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Les inégalités au Québec et au Canada de 1976 à 2020 selon le coefficient de Gini

28 avril 2022

Inégalités Québec Canada_1976-2020Dans le billet que j’ai publié la semaine dernière sur le faible revenu selon la tranche d’âge, j’ai annoncé que j’utiliserais aussi les données de l’Enquête canadienne sur le revenu pour 2020 que Statistique Canada a mises à jour en mars dernier pour analyser les inégalités de revenus au Québec et au Canada selon le coefficient de Gini, comme je l’ai fait il y a trois ans, mais en accordant cette fois une attention particulière à l’effet des mesures prises au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. En fait, je compte en publier un autre dans trois semaines, mais en analysant les inégalités selon l’indice de Palma.

Coefficient de Gini

Selon Wikipédia, «Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l’inégalité totale (une personne a tout le revenu)». Le graphique en haut et à droite de ce billet illustre les éléments à utiliser pour calculer le coefficient de Gini. On met en ordre du plus petit au plus grand le revenu ajusté de chaque membre des ménages et on les additionne l’un après l’autre. Cela donne la courbe de Lorenz (ligne bleue dans le graphique). On voit que le total cumulatif du revenu augmente moins vite au début (revenu des plus pauvres) et plus vite à la fin (revenu des plus riches). Le coefficient de Gini est le résultat de la division de l’Aire A sur le total de l’Aire A et de l’Aire B. Plus la courbe de Lorenz est proche de la diagonale, plus les revenus sont répartis de façon égalitaire et moins élevé sera le coefficient de Gini.

Le revenu ajusté est obtenu en divisant le revenu total de tou.tes les membres d’un ménage par la racine carrée de la taille de ce ménage. Par exemple, le revenu ajusté des membres d’un ménage de quatre personnes qui a un revenu total de 100 000 $ sera de 50 000 $ (100 000 $ / √4, soit 2, = 50 000 $) et ce revenu sera accordé aux quatre membres de ce ménage.

Évolution des coefficients de Gini au Québec et au Canada

Les données que j’ai utilisées pour réaliser les graphiques que je présenterai dans cette partie du billet et dans la suivante proviennent du tableau 11-10-0134-01 de Statistique Canada.

– introduction

On parle du coefficient de Gini, mais il y en a en fait plusieurs. Il est presque toujours calculé en fonction du revenu des ménages, mais peut être présenté en fonction de trois types de revenus, comme on pourra le constater dans le graphique qui suit :

  • selon le revenu du marché : somme des revenus d’emploi (travail salarié ou montant net de travail autonome), de placements, de retraite (régime privé de pension) et autres;
  • selon le revenu total : revenu du marché plus les transferts gouvernementaux (aide sociale, assurance-emploi, pensions de la sécurité de la vieillesse, supplément de revenu garanti, prestations du Régime des rentes du Québec, etc.), avant impôt;
  • selon le revenu après impôt : revenu total moins l’impôt sur le revenu.

Le coefficient de Gini selon le revenu après impôt est le plus couramment utilisé, car il représente les inégalités après intervention gouvernementale (transferts et impôts) et donc les véritables inégalités auxquelles font face les ménages. Notons que cela ne tient pas compte des taxes à la consommation et autres ni des tarifs et autres recettes de l’État. Cela dit, la présentation des deux autres coefficients permet d’analyser deux des principaux facteurs (en plus du revenu du marché) qui influencent l’évolution du coefficient de Gini selon le revenu après impôt, soit les transferts et les impôts.

– comparaison Québec-Canada

Le graphique qui suit montre tout d’abord que le coefficient de Gini selon le revenu du marché est de loin le plus élevé au Canada et au Québec, suivi par celui du revenu total et finalement par celui du revenu après impôt. J’y reviendrai.

Inégalités Québec Canada_1976-2020_1_Gini

Ce graphique permet aussi de constater que l’écart entre les coefficients de Gini du Canada et ceux du Québec diffère considérablement selon le type de revenu analysé. En effet, le coefficient de Gini selon le revenu du marché n’a été plus élevé au Canada (ligne bleu foncé) qu’au Québec (ligne verte) qu’au cours de quatre des 45 années illustrées dans ce graphique, soit en 2009 et en 2010, les deux années où les effets de la dernière récession se sont fait le plus sentir (sachant que cette récession fut beaucoup plus brutale dans le reste du Canada qu’au Québec), et en 2015 et en 2017, mais de très peu (0,002). Cela dit, ils sont presque égaux depuis 2014.

À l’opposé, le coefficient de Gini selon le revenu total n’a été moins élevé au Canada (ligne rouge) qu’au Québec (ligne rouge vin) qu’au cours de quatre des 45 années illustrées dans ce graphique (et égal une fois, en 1987), toutes antérieures à 1985, et l’écart entre les deux territoires s’est nettement agrandi depuis le milieu des années 1990, passant de 0,003 en 1995 et en 1996 à un maximum de 0,025 en 2015, avant de se replier à 0,012 en 2019 et à 0,014 en 2020. Ce revirement est dû au plus grand impact des transferts gouvernementaux au Québec pour combattre les inégalités, comme nous le verrons avec plus de précision plus loin. Finalement, le coefficient de Gini selon le revenu après impôt n’a été moins élevé au Canada (ligne jaune) qu’au Québec (ligne bleu pâle) qu’au cours d’une seule des 45 années illustrées dans ce graphique (1977) et l’écart entre les deux territoires s’est situé entre 0,017 (en 2002 et en 2019) et 0,030 (en 2014 et 2015) de 1999 à 2020 (0,020 en 2020). Comme cet écart a été depuis 1978 plus important que celui observé selon le revenu total, cela signifie que l’impact des impôts pour réduire les inégalités a été plus élevé au Québec. On examinera aussi ce constat plus en détail plus loin. En moyenne sur ces 45 ans, l’écart (Canada moins Québec) entre ces coefficients fut de :

  • -0,008 pour le revenu du marché;
  • 0,010 pour le revenu total;
  • 0,017 pour le revenu après impôt.

Bref, l’économie n’est pas plus égalitaire au Québec que dans le reste du Canada, bien au contraire, mais les mesures gouvernementales (transferts et impôts) sont bien plus efficaces au Québec pour les réduire.

– les trois coefficients de Gini au Québec

L’évolution des inégalités depuis 1976 fut un peu différente pour les six courbes. Je me contenterai toutefois de décrire la situation au Québec :

  • selon le revenu du marché (ligne verte) : le coefficient de Gini est demeuré stable de 1976 à 1981 (entre 0,38 et 0,39), a augmenté jusqu’à 0,42 en 1984 en ces années post-récession (ce qui montre que ces récessions et celle-là en particulier touchent davantage les ménages les plus pauvres que les plus riches), a diminué jusqu’à 0,40 en 1989 au cours de cette période de croissance, a fait un saut lors de la récession du début des années 1990 (à 0,44 en 1991), a continué à augmenter tout au long de cette décennie de faible croissance pour atteindre son sommet de 0,46 en 1998, puis a diminué un peu pour demeurer entre 0,42 et 0,45 de 1999 à 2020 (0,424 en 2019 et 0,441 en 2020, ce qui montre que la pandémie, comme les récessions précédentes, a fait augmenter les inégalités selon le revenu du marché);
  • selon le revenu total (ligne rouge vin) : si ce n’est quelques variations annuelles mineures, le coefficient de Gini est demeuré stable de 1976 à 1993 (entre 0,31 et 0,33), ce qui montre l’efficacité des stabilisateurs automatiques comme l’assurance-emploi, car il n’a pas augmenté lors des deux récessions de cette période, a augmenté jusqu’à 0,35 entre 1993 et 1998, est demeuré autour de de ce niveau jusqu’en 2004, puis a diminué légèrement par la suite pour se situer entre 0,33 et 0,34 de 2014 à 2019, puis a plongé en 2020 à 0,307, son niveau le plus bas de ces 45 années en raison de l’ajout de programmes de soutien au revenu (Prestation canadienne d’urgence (PCU), Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), versements supplémentaires du crédit de la TPS, du Supplément de revenu garanti (SRG) et de la Sécurité de la vieillesse (SV) aux pensionné.es, etc.);
  • selon le revenu après impôt (ligne bleu pâle) : le coefficient de Gini est passé de 0,295 en 1976 à 0,266 en 1989, a augmenté jusqu’à son sommet de 0,301 en 2002, a diminué légèrement par la suite pour se situer entre 0,28 et 0,29 de 2013 à 2019 (0,282 en 2019), puis a aussi plongé à son niveau le plus bas de ces 45 années en 2020, à 0,261.

La stabilité des inégalités depuis la fin des années 1990, et même leur légère baisse selon les coefficients de Gini du revenu total et du revenu après impôt, peut étonner, surtout dans un contexte où on entend toujours parler de leur hausse, alors que cette hausse s’est essentiellement manifestée au cours des années 1990 dans les trois types de revenus. Cette stabilité est en fait le résultat de nombreuses tendances en partie opposées. D’un côté, l’augmentation de la présence des femmes sur le marché du travail, la baisse du taux de chômage et les changements démographiques (diminution de la proportion de jeunes, par exemple) auraient dû contribuer à faire diminuer les inégalités. De l’autre, la hausse plus importante des revenus du marché des plus riches (voir ce billet) a au contraire eu un impact à la hausse sur les inégalités, annulant l’effet positif des facteurs mentionnés précédemment. En plus, quelques législations, comme le droit accordé aux membres des ordres professionnels, dont les médecins, d’exercer leurs activités en société (de s’incorporer, dans le langage courant), ont atténué artificiellement la hausse des inégalités du revenu du marché et, par voie de conséquence, des revenus total et après impôt. L’impact spécifique de chacun de ces facteurs sur les inégalités est difficile à estimer, mais la quasi-stabilité du coefficient de Gini du revenu du marché depuis la fin des années 1990 semble indiquer que les facteurs positifs et négatifs furent de la même ampleur. Par contre, on peut examiner plus à fond l’impact des transferts et des impôts sur l’évolution des coefficients de Gini des revenus totaux et après impôt.

Impacts des transferts et des impôts dans la répartition des revenus

Les données des transferts (lignes bleue pour le Canada et jaune pour le Québec) du graphique qui suit sont simplement la soustraction entre les coefficients de Gini selon le revenu du marché et selon le revenu total. Les données des impôts (lignes rouge pour le Canada et verte pour le Québec), elles, sont la soustraction entre les coefficients de Gini selon le revenu total et selon le revenu après impôt.

Inégalités Québec Canada_1976-2020_2_impact

Ce graphique montre tout d’abord que les transferts ont un effet égalisateur beaucoup plus élevé que les impôts. En effet, les transferts ont expliqué en moyenne au cours des 45 années illustrées 67 % de la baisse des inégalités due à ces deux facteurs au Canada et 68 % au Québec, proportion qui était au Québec de 69 % en 2019 (68 % au Canada) et de 74 % en 2020 (75 % au Canada).

– comparaison Québec-Canada

Le graphique illustre aussi clairement que les transferts ont un impact sur les inégalités nettement plus élevé au Québec qu’au Canada, soit en moyenne de 24 %, écart variant de 14 % en 2020 à 35 % en 2008, étant passé de 18 % à 14 % entre 2019 et 2020. Cela s’explique à la fois par la plus grande utilisation au Québec du programme d’assurance-chômage (assurance-emploi depuis 1996) en raison de son taux de chômage plus élevé (surtout en début de période où le taux de chômage au Québec a été en moyenne plus élevé de 2 points de pourcentage entre 1976 et 1998, alors que l’écart fut inférieur à un point entre 2009 et 2016 et même moins élevé au Québec de 2017 à 2020), et des programmes de retraite (rentes de la RRQ, sécurité de la vieillesse et supplément de revenu garanti) en raison de la plus forte proportion de la population qui est âgée de 65 ans et plus au Québec qu’au Canada depuis 1997 (l’écart augmentant chaque année pour atteindre 1,7 point de pourcentage en 2020, soit 19,7 % de la population par rapport à 18,0 %, selon le tableau 17-10-0005-01 de Statistique Canada) et de son revenu moins élevé (par exemple 49 000 $ par rapport à 54 000 $ en 2019, selon les Statistiques T1 sélectionnées), et par la création de programmes de transferts plus généreux au Québec que dans les autres provinces, comme le programme d’assurance parentale. Cela dit, l’effet égalisateur des transferts a augmenté davantage au Canada qu’au Québec entre 2019 et 2020 en pourcentage (de 42 % par rapport à 37 %), mais en fait de la même ampleur (en faisant baisser le coefficient de Gini de 0,035 de plus qu’en 2019 au Canada et de 0,036 au Québec), comme on le voit avec le saut des lignes jaune et bleue sur le graphique.

Les impôts aussi ont un impact égalisateur plus important au Québec que dans le reste du Canada, mais la différence est un peu moindre (tout de même de 17 % en moyenne), écart qui a été un peu plus faible que la moyenne en 2019 (13 %) et en 2020 (15 %). En fait, si les revenus étaient aussi élevés au Québec qu’au Canada, cet écart serait encore plus grand (car la portion des personnes qui paieraient des taux élevés d’impôt serait plus grande). Le fait qu’il soit tout de même plus important qu’au Canada montre que le système d’imposition québécois est plus progressif que celui des autres provinces (le système canadien étant aussi progressif dans les autres provinces qu’au Québec, et même plus en raison de l’abattement de 16,5 %).

– évolution de l’impact des transferts et des impôts au Québec

On voit aussi dans ce graphique que l’introduction et l’amélioration de nombreux programmes sociaux, dont ceux à l’intention des personnes âgées (comme j’en ai parlé la semaine dernière dans ce billet), ont fait presque doubler (hausse de 95 %) l’impact des transferts dans la redistribution des revenus au Québec entre 1976 et 1993 (faisant diminuer de 0,062 à 0,121 le coefficient de Gini). Par la suite, sûrement en raison du durcissement des critères de certains programmes (aide sociale et assurance-emploi, notamment), de la simple indexation à l’inflation des programmes à l’intention des personnes âgées, de la baisse du chômage (qui a fait diminuer les paiements de l’aide sociale et de l’assurance-emploi) et de la hausse du taux d’emploi des femmes, le rôle redistributeur des transferts a diminué jusqu’en 2004 (de 0,121 à 0,093, soit une baisse de 23 %) avant de remonter jusqu’en 2009 de 12 % à 0,104 et de demeurer assez stable par la suite (0,098 en 2019), sûrement en raison de l’augmentation de la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus, mais aussi de l’entrée en vigueur du Régime québécois d’assurance parentale en 2006, facteurs qui ont annulé la poursuite de la baisse en importance de l’assurance-emploi et de l’aide sociale (surtout en raison de la baisse du taux de chômage et de la hausse du taux d’emploi). Puis, il est monté temporairement de 37 % en 2020, comme mentionné dans la section précédente, passant de 0.098 à 0,134.

L’évolution de l’impact des impôts dans la redistribution des revenus fut très semblable à celle des transferts, même si son impact redistributeur est d’une ampleur moindre, comme mentionné plus tôt. Cet impact a en effet lui aussi augmenté énormément (de 83 %) en début de période (de 0,030 à 0,055 entre 1976 et 1999) en raison des hausses d’impôts, avant de se replier jusqu’en 2012 (de 18 % à 0,45) en raison de baisses d’impôts (directes, mais aussi par la création de la contribution santé égale pour tou.tes et par l’ajout de dépenses fiscales, comme le passage de la portion imposable des gains en capital de 75 % à 50 % en 2000, la hausse du plafond des cotisations aux RÉER plus rapide que l’inflation de 2003 à 2010, la création des CÉLI en 2009, le fractionnement des revenus de pension des familles de retraités en 2007, etc.) et de demeurer assez stable par la suite (0,44 en 2019 et 0,46 en 2020), malgré l’ajout d’un palier d’imposition par le gouvernement Marois en 2013 et par le gouvernement Trudeau en 2016.

Ainsi, l’augmentation du coefficient de Gini du revenu du marché en début de période a été plus qu’annulée par la hausse de l’effet redistributeur des transferts et des impôts, puisque le coefficient de Gini du revenu après impôt a diminué de 8,5 % entre 1976 et 1993 (de 0,295 à 0,270), alors que le coefficient de Gini du revenu du marché augmentait de 11,9 % (de 0,387 à 0,433). Mais, la diminution de leur impact redistributeur par la suite a entraîné une hausse du coefficient de Gini après impôt de 9,6 % entre 1992 et 2012 (de 0,270 à 0,296), alors que le coefficient de Gini du revenu du marché n’augmentait que de 1,8 % (de 0,433 à 0,441). Ensuite, la baisse du coefficient de Gini du revenu du marché de 3,9 % entre 2012 et 2019 (de 0,441 à 0,424) s’est jumelée à la hausse de l’impact redistributeur des transferts pour permettre une baisse de 4,7 % du coefficient de Gini du revenu après impôts (de 0,296 à 0,282). Finalement, le coefficient de Gini du revenu du marché a augmenté de 4,0 % en 2020 (de 0,424 à 0,441), mais la hausse temporaire des transferts a au contraire fait diminuer le coefficient de Gini après impôt de 7,4 % (de 0,282 à 0,261) Au bout du compte, la différence entre le coefficient de Gini du revenu du marché et celui du revenu après impôts (qui s’explique par la contribution des transferts et des impôts) est passée de 24 % en 1976 à 38 % en 1993, a diminué un peu par la suite pour se situer entre 33 et 35 % de 2000 et 2019 (33,5 %) et atteindre son sommet historique en 2020 à 40,8 %.

Et alors…

Au-delà de la surprise de constater que les inégalités n’ont pas augmenté au Québec depuis une vingtaine d’années et qu’elles ont même diminué après transferts et impôt, ce billet montre qu’on peut lutter contre les inégalités de différentes façons, en agissant aussi bien sur le revenu du marché (en augmentant le salaire minimum, en offrant des services de garde à tarifs réduits, en adoptant des lois du travail favorables à la syndicalisation, etc.) que sur les revenus de transferts et sur les impôts. On a aussi vu que les transferts sont plus efficaces que les impôts pour faire diminuer les inégalités, surtout lorsqu’ils sont conçus spécialement pour les ménages à faibles revenus, mais aussi que l’impôt demeure un outil important dans ce domaine, aussi bien par son ampleur (part des impôts sur les revenus) que par sa conception (paliers progressifs, dépenses fiscales bien pensées, etc.). J’ajouterais qu’on ne peut pas dire grand-chose de la forte baisse des inégalités en 2020, car les facteurs qui l’expliquent seront temporaires. En restera-t-il quelque chose? Sûrement une grande partie en 2021 et un peu en 2022, mais rien n’est sûr pour la suite, tout dépendant de l’impact de ces mesures temporaires sur les politiques à long terme des gouvernements, et de nos pressions pour qu’il en soit ainsi.

Je tiens aussi à souligner encore une fois à quel point les critiques des associations patronales et de nombreux.euses chroniqueur.euses contre la PCU et la PCRE étaient injustifiées. Non seulement ces prestations n’ont finalement eu aucun impact sur les postes vacants, puisque leur nombre a continué à augmenter après la fin de ces programmes (voir le tableau 14-10-0325-01) et l’atteinte du quasi plein emploi (voir ce billet), mais on voit qu’elles ont permis de diminuer l’appauvrissement de la population et de réduire les inégalités qui auraient augmenté sans elles.

Cette analyse montre aussi que le coefficient de Gini après impôt a diminué légèrement depuis le tournant du siècle, même en ne tenant pas compte des données de 2020. La hausse des inégalités serait-elle un phénomène du passé? Bien sûr que non. Il faut en effet tenir compte du fait qu’elles sont encore plus élevées qu’à la fin des années 1980, que l’évolution de la démographie et la plus grande présence des femmes sur le marché du travail auraient dû les faire diminuer si les revenus des plus riches n’avaient pas augmenté plus rapidement que ceux du reste de la population, et que les revenus ne sont qu’une des façons par lesquelles les inégalités se manifestent. Elles s’expriment en effet aussi du côté des services publics offerts par les gouvernements (comme une étude de l’OCDE dont j’ai parlé dans ce billet le montre bien) dont l’offre diminue, tant en santé qu’en éducation et que dans d’autres domaines, et du côté de la hausse des taxes à la consommation et de la tarification des services publics (santé, éducation, services sociaux, services de garde, transport en commun, Hydro-Québec, etc.). Bref, si vous pensez que mon billet présente une vision trop rose de l’évolution des inégalités, détrompez-vous!

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5 commentaires leave one →
  1. 28 avril 2022 9 h 00 min

    Merci de cette analyse. On attendra avec impatience le contraste avec Palma (et/ou le ratio des déciles).

    J’aime

  2. 28 avril 2022 16 h 45 min

    Je pense faire des graphiques avec les deux (avec deux échelles). Mais, je vais me concentrer sur le Québec.

    J’aime

  3. Marie Langevin permalink
    28 avril 2022 17 h 05 min

    Excellent billet Mario ! Vraiment intéressant et encore une fois très utile pour alimenter les matériaux de mes séminaires de l’été 😉

    Aimé par 1 personne

  4. 28 avril 2022 17 h 09 min

    Le prochain, que je prévois dans trois semaines, pourrait aussi être utile pour montrer une façon différente d’estimer l’ampleur des inégalités.

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