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Mission économie – un guide pour changer le capitalisme

5 septembre 2022

Mission économieAvec son livre Mission Economy – A Moonshot Guide to Changing Capitalism (Mission économie – un guide pour changer le capitalisme), Mariana Mazzucato, économiste italo-américaine et professeure d’économie à l’université du Sussex, «aborde les grands défis auxquels nous sommes confrontés d’une manière radicalement nouvelle. Réchauffement climatique, pollution, démence, obésité, violence armée, mobilité : ces dilemmes environnementaux, sanitaires et sociaux sont énormes, complexes et n’ont pas de solutions simples». Elle considère que nous «ne pourrons commencer à trouver des réponses que si nous restructurons fondamentalement le capitalisme pour qu’il soit inclusif, durable et stimulé par l’innovation».

Préface : La pandémie de COVID-19, malgré toutes ses conséquences négatives, a fait ressortir de façon encore plus évidente qu’avant la nécessité de la collaboration entre les citoyen.es, les entreprises et les États, l’importance de disposer de solides infrastructures et institutions gouvernementales, économiques et sociales, et la folie de faire trop reposer ses services publics sur la sous-traitance. Face aux défis à relever, notamment en matière environnementale, il est essentiel de revoir le rôle qu’on attribue à l’État et, plus globalement, de repenser le capitalisme.

Première partie – Une mission terre-à-terre

1. La mission et l’objectif : L’autrice rappelle le discours de John F. Kennedy en septembre 1962, dans lequel il fixait aux États-Unis comme objectif d’envoyer des humains sur la lune d’ici la fin de cette décennie, même si l’URSS avait pris les devants dans la course à l’espace. Le prix astronomique (bien sûr) de cette aventure n’avait pas d’importance, seul l’objectif en avait, même s’il était bien incertain et ses bienfaits encore plus. Avec ce livre, l’autrice encourage la société à viser avec la même détermination à solutionner les problèmes actuels, notamment en santé (dont la pandémie actuelle), en environnement (dont le réchauffement climatique), en éducation et dans la lutte contre les inégalités, et à «restructurer le capitalisme contemporain». Cette comparaison explique la présence des mots «mission» et «moonshot» dans le titre du livre, quoique je n’aie pas trouvé de traduction satisfaisante pour ce deuxième concept.

2. Le capitalisme en crise : Le capitalisme était déjà dans un cul-de-sac avant la pandémie de COVID-19, notamment face à la crise environnementale (réchauffement climatique, perte de biodiversité, épuisement des ressources, etc.) et à la hausse des inégalités. L’autrice fait le tour des données qui démontrent son verdict et des facteurs qui l’expliquent, et en développe quatre :

  • la recherche des profits à court terme, surtout par le secteur financier;
  • la financiarisation de l’économie et la priorité donnée à la maximisation des avoirs des actionnaires;
  • l’urgence climatique;
  • l’insuffisance des interventions directes des gouvernements dans l’économie, eux qui se contentent trop souvent de réagir plutôt que d’agir : le problème n’est pas la taille du gouvernement, mais ce qu’il fait et ne fait pas, et comment il le fait.

3. Mauvaise théorie, mauvaise pratique – Cinq mythes qui entravent le progrès : Dans ce chapitre, l’autrice déboulonne cinq des mythes les plus courants sur le gouvernement :

  • les entreprises créent de la valeur et prennent des risques; les gouvernements se contentent de réduire les risques des entreprises et de leur faciliter les choses;
  • le but du gouvernement est de corriger les défaillances du marché;
  • le gouvernement doit être géré comme une entreprise;
  • la sous-traitance permet d’économiser et réduit les risques;
  • les gouvernements ne devraient pas choisir les gagnants.

Deuxième partie – Une mission possible : ce qu’il faut pour réaliser nos ambitions les plus audacieuses

4. Les leçons d’Apollo – Un guide de conquête du changement : L’autrice présente six caractéristiques du programme Apollo qui devraient servir de leçon pour faire face aux défis actuels, notamment au réchauffement climatique :

  • leadership dans la vision et les objectifs;
  • innovation, notamment dans la prise de risque et l’expérimentation;
  • changement organisationnel en améliorant l’agilité et la flexibilité des organisations;
  • retombées, en ne négligeant pas les bienfaits du hasard et en misant sur la collaboration;
  • budgétisation axée sur les résultats;
  • partenariat axé sur un objectif commun entre les entreprises et l’État.

Troisième partie – Les missions en action : quels sont les grands défis à relever aujourd’hui?

5. Viser plus haut – Des politiques orientées vers une mission terrestre : Il s’agit maintenant d’appliquer les caractéristiques décrites dans le chapitre précédent pour le programme Apollo aux problèmes les plus urgents de notre époque, en tenant compte de leurs spécificités. Il faut réaliser en plus que ce défi est encore plus ambitieux que d’envoyer une personne sur la lune. Pour ce, il faut :

  • atteindre les 17 objectifs de développement durable et réaliser la transition écologique;
  • choisir un objectif qui correspond au concept d’une mission;
  • réaliser une mission en mettant l’accent sur son objectif et non sur les moyens pour l’atteindre;
  • rechercher l’appui des citoyen.nes dans le choix et la réalisation d’une mission;
  • entreprendre une mission axée sur un New Deal vert;
  • innover pour une santé accessible (médicaments et vaccins, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, santé physique et mentale, inégalités de santé, etc.);
  • réduire la fracture numérique (dont le besoin s’est accentué lors de la pandémie de Covid-19, notamment pour le télétravail et l’enseignement à distance).

Quatrième partie – La prochaine mission : Réimaginer l’économie et notre avenir

6. Bonne théorie, bonne pratique – Sept principes pour une nouvelle économie politique : Les sept principes qui permettent de bâtir une économie basée sur une approche orientée vers la mission visant le bien public et l’engagement citoyen sont :

  • de créer de la valeur collectivement;
  • de façonner les marchés plutôt que de corriger leurs défaillances;
  • d’utiliser les capacités dynamiques des organisations publiques et privées en matière d’expérimentation et d’apprentissage;
  • d’adapter les budgets aux résultats visés;
  • de partager les risques et les avantages de la croissance entre tou.tes les citoyen.nes;
  • de développer des objectifs communs et de veiller à considérer toutes les parties prenantes dans l’établissement des objectifs des entreprises, pas seulement les actionnaires;
  • d’employer des systèmes ouverts pour concevoir ensemble notre avenir.

7. Conclusion – Changer le capitalisme : Face aux problèmes de santé, comme la pandémie, et environnementaux, nous ne pouvons plus attendre pour agir et pour le faire avec des objectifs communs, en les considérant comme des missions. Pour ce, il faut réinventer nos gouvernements et le fonctionnement du secteur privé, et donc revoir l’organisation des marchés, bref restructurer le capitalisme pour qu’il travaille en fonction du bien commun, en tenant compte de l’environnement, de la santé des populations, des inégalités et de tous les autres objectifs humains.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire, mais surtout si on s’intéresse à l’organisation des moyens pour atteindre des objectifs et évidemment si on comprend l’anglais. Il faut dire que Mariana Mazzucato a écrit un des livres que j’ai le plus aimés des dernières années, avec The value of everything – making and taking in the global economy (La valeur de tout et de chaque chose – la création et l’extraction de valeur dans l’économie mondiale) que j’ai présenté et vanté dans ce billet. J’attendais donc ses contributions ultérieures, espérant toutefois qu’elles soient traduites. Comme il ne semble pas y avoir de plans pour traduire ses livres, je me suis quand même procuré celui-ci. Je le recommande moins que le précédent aussi parce que l’autrice s’étend longuement sur l’organisation et les défis surmontés lors de la réalisation du programme Apollo, ce qui m’intéressait plus ou moins (je confesse avoir lu des grands bouts de ce chapitre en diagonale). Cela dit, les autres chapitres abordent de nombreuses questions fondamentales et jettent les bases pour une refonte complète du fonctionnement et des objectifs des gouvernements, des marchés, des entreprises privées et, au bout du compte, du capitalisme (si on peut encore l’appeler ainsi après autant de changements). Malheureusement, les 248 notes, presque toutes des références heureusement, sont en fin de livre.

Mise à jour : En fait, je viens de voir que la traduction de ce livre paraîtra bientôt!

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