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Des Big Pharma aux communs

23 janvier 2023

Des Big Pharma aux communsAvec son livre Des Big Pharma aux communs – Petit vadémécum critique de l’économie des produits pharmaceutiques, Gaëlle Krikorian, docteure en sociologie, nous montre que «l’économie des produits pharmaceutiques telle qu’elle existe aujourd’hui, nous condamne à voir diminuer inexorablement le nombre des personnes qui ont accès aux innovations de santé – dans les pays pauvres comme dans les pays riches».

Introduction : L’autrice présente l’objectif de ce livre ainsi que sa structure et son contenu.

Symptômes : L’autrice analyse :

  • l’évolution des prix des médicaments (hausse très forte, même pour les produits génériques ou dont la recherche a été subventionnée) depuis le milieu des années 2010 dans tous les pays et les conséquences de leur hausse débridée sur leur accès;
  • une dizaine de scandales pharmaceutiques récents;
  • les défaillances de marché dans la recherche, la production et la vente de médicaments qui montrent que le secteur privé ne peut pas satisfaire aux besoins des populations en la matière.

Diagnostic : L’autrice présente maintenant les causes de ces symptômes, en abordant :

  • le fait que les entreprises pharmaceutiques visent à maximiser leurs profits, pas nécessairement en donnant accès aux médicaments qu’elles produisent (notons que l’autrice semble ne pas maîtriser le concept d’offre et de demande, confondant l’offre avec les quantités offertes et la demande avec les quantités demandées; cela dit, elle décrit bien le processus de maximisation des profits);
  • les effets pervers et les abus de la protection de la propriété intellectuelle par des brevets;
  • l’accaparement des résultats des investissements publics par les sociétés pharmaceutiques;
  • la faible concurrence (parfois nulle) entre les entreprises de ce secteur et l’impact de la financiarisation de ces entreprises sur leurs activités, tant sur la recherche et sur les produits commercialisés que sur leur prix;
  • les vaccins à ARN messager comme exemple de l’importance de l’effort collectif en innovation, mais aussi de l’accaparement des résultats de cet effort par le secteur privé;
  • l’intérêt général, victime de la relation privilégiée (voir incestueuse) entre l’État et le secteur privé, notamment dans la réglementation de la propriété intellectuelle et des brevets;
  • la croissance indécente des profits de cette industrie et ses «effets délétères sur nos sociétés», notamment sur la disponibilité des vaccins contre la COVID-19, alors que c’est l’État qui a financé la plus grande et importante partie de la recherche;
  • les différentes formes d’évitement fiscal et d’évasion fiscale pratiquées par ces entreprises;
  • la culture de l’opacité et du secret dans cette industrie, qui va bien sûr à l’encontre de l’intérêt général dans un domaine pourtant vital.

Traitements : Voici les recommandations proposées par l’autrice :

  • remettre en question les bases sur lesquelles reposent les mesures actuelles pour permettre aux pays pauvres de fabriquer des médicaments génériques, notamment pour lutter contre le SIDA, d’autant plus que ce système fut un échec pour le vaccin contre la COVID-19;
  • concevoir les politiques pharmaceutiques en fonction de la santé publique;
  • décentraliser la production de médicaments et possiblement la réaliser en partie par l’État (comme la proposition de QS de créer la société Pharma-Québec);
  • rendre transparentes les politiques sur les produits de santé, notamment pharmaceutiques, dont les données sur les essais cliniques, les prix payés par l’État, le coût réel de la recherche et du développement de médicaments, la situation des brevets et les subventions de l’État;
  • doter l’État des compétences nécessaires dans ce domaine par l’embauche du personnel nécessaire pour atteindre cet objectif;
  • considérer les produits pharmaceutiques comme des biens communs, ce qui implique notamment de modifier les règles de propriété intellectuelle.

Puis, l’autrice conclut :

«Là où le marché n’offre pas de bénéfices substantiels, nous avons sans doute plus de latitude pour construire d’autres modèles adaptés aux besoins de santé. Là où la logique de marché et la financiarisation entrevoient d’importants profits, il nous faudra nous battre pour imposer des pratiques autres, mettre un terme au siphonnage des ressources publiques et établir des droits d’usage pour les malades. C’est une question de vie ou de mort pour un nombre croissant de personnes dans le monde. Nous risquons davantage à ne rien faire qu’à essayer.»

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! Non seulement les propos de l’autrice sont très clairs et la structure du livre impeccable, mais il n’est en plus pas bien long (136 pages, selon l’éditeur). Sur le fond, il m’a fait penser à de nombreuses reprises au livre L’État entrepreneur de Mariana Mazzucato, que j’ai présenté dans ce billet, mais sur une seule industrie. Je ne peux pas dire que j’en ai appris beaucoup, sauf pour certains aspects précis et pour quelques exemples pertinents, mais il est loin d’être inutile de voir ses connaissances confirmées de la sorte avec des sources fiables. Les recommandations de l’autrice peuvent sembler audacieuses, et, dans le contexte capitaliste actuel, elles le sont, mais, objectivement, elles représentent un minimum face à la situation actuelle déplorable. En fait, même un économiste de centre gauche comme Dean Baker va plus loin (voir le chapitre cinq de ce livre gratuit que j’ai présenté dans ce billet). Autre bon point, les 58 notes, aussi bien des références que des compléments d’information parfois substantiels, sont en bas de page.

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