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Le salaire minimum à 15,25 $

26 janvier 2023

salaire minimum à 15,25 $Une fois n’est pas coutume! En effet, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) trouve à chaque augmentation du salaire minimum qu’elle est trop élevée et que le moment est mal choisi pour l’augmenter «autant», qu’il s’agisse d’une hausse de 0,75 $, de 0,60 $ ou de 0,40 $, mais, cette fois, elle félicite le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, d’être demeuré «pragmatique» en l’augmentant d’un seul dollar ou de 7,02 % pour le porter à 15,25 $ et en refusant de céder aux pressions pour l’augmenter à 18,00 $. Si vous n’étiez pas déjà persuadé.es de l’insuffisance de cette hausse, dans le contexte de la forte inflation actuelle et de la déclaration de François Legault qui a reconnu qu’il est «difficile de vivre avec 18 $ l’heure» (qu’il imagine à quel point cela l’est avec 15,25 $…), la satisfaction de la FCEI devrait parvenir à vous convaincre.

De leur côté, les porte-parole de la Coalition Minimum 18$ trouvent que l’atteinte du plateau de 15,00 $ du salaire minimum arrive avec 6 ans de retard et que la hausse de 7,02 % est «complètement déconnectée de la réalité», alors que «le nombre de personnes ayant eu recours aux services d’aide alimentaire et dont la source principale de revenu est l’emploi a augmenté de 37 % depuis 2019!». En outre, compte tenu du nombre élevé de postes vacants, encore plus élevé pour les postes dont les employeurs offrent les moins bons salaires, on se serait attendu à une hausse bien plus importante.

Malgré ses félicitations au ministre, la FCEI n’a pas pu s’empêcher de prétendre comme à l’habitude que la hausse du salaire minimum fera augmenter les coûts des entreprises, ce qui entraînerait une perte de client.es en raison d’une «trop grande augmentation de leur prix». Elle ne dit toutefois pas de quelle ampleur serait la hausse de prix due à l’augmentation du salaire minimum de 7,02 %. C’est ce que je vais tenter de calculer dans ce billet.

Analyse d’impact réglementaire

Quand le gouvernement annonce une hausse du salaire minimum, le Secrétariat du travail du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale produit un document intitulé Analyse d’impact réglementaire – Révision du taux général du salaire minimum. Même si les médias n’en parlent presque jamais, c’est dans ce document qu’on trouve l’analyse des facteurs étudiés pour en arriver à la hausse adoptée. Il contient aussi de nombreuses données exclusives. Comme je l’ai fait lors des quatre hausses du salaire minimum précédentes, je vais utiliser ces données pour aborder différents aspects de la hausse du salaire minimum et pour atteindre l’objectif que je me suis fixé en amorce.

Ce document est précieux, mais il faut toujours avoir en tête en le lisant qu’il s’agit d’un document promotionnel, qui vise à justifier la hausse du salaire minimum proposée et qui contient parfois des analyses complaisantes, voire trompeuses. Par exemple, on lit que, selon les prévisions du ministère des Finances, «il est estimé que cette hausse de 1,00 $ l’heure porterait le ratio entre le SM [salaire minimum] et le SHM [salaire horaire moyen] à 50,70 % pour la période 2023-2024». En fait, le SHM utilisé par le ministère pour calculer ce ratio est celui des employé.es rémunéré.es à l’heure (excluant les heures supplémentaires), comme on peut le lire sur cette page du document de référence cité par le ministère : «L’indicateur principal retenu par le comité est le ratio entre le salaire minimum et le salaire horaire moyen de l’ensemble des travailleur.euses rémunéré.es à l’heure au Québec». Or, ce salaire ne tient pas compte des employé.es à salaire fixe qui gagnent beaucoup plus que les travailleur.euses rémunéré.es à l’heure. Par exemple, selon les données du tableau 14-10-0222-01 provenant de l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH), alors que le SHM incluant les heures supplémentaires des travailleur.euses rémunéré.es à l’heure était de 29,71 $ en octobre 2022 (donnée la plus récente), celui des employé.es à salaire fixe s’élevait à 40,77 $, pour une moyenne pondérée (en tenant compte du nombre d’employé.es dans les deux groupes) d’environ 33,55 $, soit 12,9 % de plus que celui des travailleur.euses rémunéré.es à l’heure! Pour le ministère, ce salaire était de 29,05 $ (en excluant les heures supplémentaires) ce qui donnerait 32,80 $ en tenant compte de tou.tes les salarié.es, toujours en excluant les heures supplémentaires. Notons que ce salaire est aussi plus proche de celui publié par l’Enquête sur la population active (EPA) en octobre 2022, soit de 31,08 $ (31,41 $ en décembre 2022), selon les données du tableau 14-10-0063-01. On voit donc que le ministère a choisi le plus bas de ces salaires pour calculer ce ratio de 50,70 %. En utilisant les mêmes prévisions de croissance du SHM entre octobre 2022 et la période allant de mai 2023 à avril 2024, ce ratio serait plutôt de 44,9 % avec le SHM pondéré de l’EERH et de 47,4 % avec celui de l’EPA. Dis autrement, le ratio de 50,7 % du SHM aurait donné un salaire minimum de 16,30 $ avec les données de l’EPA et de 17,20 $ avec SHM pondéré de l’EERH, pas très loin du 18 $ revendiqué par la Coalition Minimum 18$ et proposé dans la plateforme de QS. Et je pourrais donner bien d’autres exemples…

Quelques caractéristiques comparées des salarié.es au salaire minimum

salaire minimum à 15,25 $_1Le tableau ci-contre a été construit à partir des données publiées aux tableaux 1 et 4 du document d’analyse d’impact. La première ligne nous apprend qu’il y avait entre mai 2021 et avril 2022 en moyenne 195 400 personnes au salaire minimum (SM), en baisse de 5,6 % par rapport à l’année précédente (206 900) et de 40 % depuis 2018-2019 (326 100), ce qui montre que le salaire minimum fait de moins en moins son travail et donc qu’il n’augmente pas assez pour aider autant de travailleur.euses mal payé.es que trois ans auparavant. Ainsi, alors que le salaire minimum s’appliquait à 8,8 % des salarié.es en 2018-2019, il n’en aidait plus que 5,1 % en 2021-2022. Bizarrement (ou pas), le document n’aborde pas du tout cet aspect de la question.

En fait, cette proportion et ce nombre sont surestimés, car ils sont basés sur le nombre de personnes qui recevaient un salaire horaire de 14,25 $ ou moins entre mai 2020 et avril 2021, alors que le SM était en fait de 13,50 $ au cours de cette période. Il fait donc encore moins son travail que je le disais! Ce tableau nous apprend tout de même que :

  • les femmes représentaient 51,5 % des personnes touchant 14,25 $ ou moins, mais 48,5 % de celles gagnant un salaire plus élevé;
  • environ 67,7 % des personnes touchant 14,25 $ ou moins travaillaient dans le commerce de détail (47,6 %) et dans l’hébergement et la restauration (20,1 %), proportion près de 5 fois plus élevée que chez les autres salarié.es (14,2 %, respectivement 10,3 % et 3,9 %);
  • malgré cette forte concentration dans ces deux secteurs, les personnes touchant 14,25 $ ou moins ne représentaient que 21,8 % de la main-d’œuvre de l’hébergement et de la restauration, et que 19,9 % de celle du commerce de détail;
  • les personnes touchant 14,25 $ ou moins ne représentaient que 1,5 % de la main-d’œuvre du secteur secondaire (formé principalement des secteurs de la construction et de la fabrication), mais était surreprésentées dans le secteur primaire (2,4 % des personnes touchant 14,25 $ ou moins, mais 1,9 % des autres salarié.es).

Par ailleurs, ce tableau de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) nous indique que, en moyenne, 61,8 % des personnes touchant le SM (126 900 sur 205 400) travaillaient à temps partiel en 2021, c’est-à-dire moins de 30 heures par semaine, proportion 4,4 fois plus élevée que chez les autres travailleur.euses (14,0 %), selon le tableau 14-10-0064-01 de Statistique Canada. Ce constat rend peu pertinents les calculs de l’analyse d’impact qui compare dans ce tableau le revenu annuel de personnes touchant le SM au seuil de faible revenu selon la mesure du panier de consommation (MPC) en se basant sur des semaines de travail de 32 et de 40 heures (et un travail à l’année), alors que le document nous apprend sur cette page que la «moyenne des heures travaillées par l’ensemble des travailleuses et travailleurs payés au SM était de 22,6 heures par semaine». Pourquoi alors calculer le revenu annuel des travailleur.euses au salaire minimum avec des semaines de 32 et de 40 heures?

D’autres données du tableau 1 du document nous montrent que, toujours entre mai 2021 et avril 2022, il y avait 298 900 personnes qui recevaient un salaire horaire de moins de 15,25 $, soit 7,8 % des salarié.es. En fait, comme la hausse du SM ne se produira qu’en mai prochain et que cette donnée est une moyenne de la situation observée entre un et deux ans avant cette date, alors que le SM n’était que de 13,50 $, il est certain qu’il y aura moins de 298 900 personnes qui profiteront directement de la hausse à 15,25 $ en mai prochain. Au moins, le document précise que la hausse du salaire minimum bénéficiera à moins de personnes que par les années précédentes, soit à 7,8 % des salarié.es par rapport à 8,4 % en 2022 et 11,1 % en 2020, même si les hausses étaient moins importantes (de 0,60 $ à 0,75 $). Pourtant, les auteur.es n’en tirent aucune conclusion sur l’insuffisance de cette hausse encore plus manifeste que les années précédentes.

Par contre, il faut tenir compte des personnes gagnant déjà 15,25 $ de l’heure ou un peu plus qui obtiendront des hausses salariales pour conserver un certain écart salarial avec les personnes touchant le SM. Le document ne fournit malheureusement pas d’estimation sur l’ampleur de cet effet indirect (ou effet d’émulation). Notons aussi que pour ces personnes, ainsi que pour celles gagnant entre 14,25 $ et 15,25 $, la hausse salariale pourra être inférieure à 1,00 $ ou à 7 %.

Hausse des revenus nécessaire

Le tableau qui suit, dont les données des deux premières parties sont tirées du tableau 4 du document, permet entre autres d’évaluer l’importance relative de la masse salariale versée aux personnes qui travaillent au SM par rapport à la masse salariale versée à l’ensemble des salarié.es.

salaire minimum à 15,25 $_2

Ce tableau nous montre dans la partie du haut le nombre moyen de personnes salariées au Québec de mai 2021 à avril 2022, le nombre total d’heures qu’elles ont travaillé et la masse salariale qu’elles ont reçue (y compris «les retenues et les cotisations payées par les employeurs», ce qui augmente la masse salariale de 15,11 % en moyenne). La partie du centre présente les mêmes données, mais pour les personnes touchant le SM (en fait ayant reçu un salaire horaire de 14,25 $ ou moins entre mai 2021 et avril 2022, alors que le SM était de 13,50 $). Enfin, la troisième partie, que j’ai ajoutée au tableau du document, indique le pourcentage des salarié.es, des heures travaillées et de la masse salariale des personnes touchant le SM par rapport aux mêmes données pour l’ensemble des salarié.es. Les colonnes présentent ces données pour l’ensemble des industries, pour les trois grands secteurs de l’économie (primaire, secondaire et des services) et pour les deux industries où on trouve proportionnellement le plus de salarié.es touchant le SM, soit le commerce de détail et l’hébergement et la restauration.

Ce tableau permet de constater que si, entre mai 2021 et avril 2022, les personnes touchant un salaire horaire de 14,25 $ ou moins occupaient 5,1 % des emplois salariés, leurs heures travaillées ne représentaient que 3,7 % du total (car elles travaillent en moyenne 22,6 heures par semaine et les autres salarié.es 31,6) et les salaires qu’elles recevaient seulement 1,5 % de la masse salariale totale, soit 3,4 fois moins que leur part des emplois salariés (5,1 %). En fait, ces trois proportions sont surestimées, car, je le répète, le salaire minimum était de 13,50 $ entre mai 2021 et avril 2022, et il faudrait soustraire de ces proportions les emplois, heures et salaires liés aux personnes qui gagnaient entre 13,50 $ et 14,25 $, donnée non fournie.

Cette dernière donnée (1,5 %), même surestimée, est importante, car elle montre à quel point il est absurde de penser qu’une hausse de 7,02 % (ou même de 10 % ou plus) de sommes qui ne représentent que 1,5 % de la masse salariale peut avoir un effet majeur sur le marché du travail et sur les finances des entreprises. Cette hausse ne représente en effet que 0,105 % de la masse salariale globale (7,02 % x 1,5 % = 0,105 %). Même en doublant ce coût pour tenir compte de la hausse salariale des personnes gagnant un salaire horaire entre 14,25 $ et 15,25 $, et de la hausse indirecte qui serait accordée aux personnes gagnant un peu plus de 15,25 $ pour que leur salaire conserve un certain écart avec le SM, cette hausse ne représenterait que 0,21 % de la masse salariale globale. D’ailleurs, on peut lire à la page 19 du document que «L’augmentation de la masse salariale au SM suivant la hausse de 1,00 $ l’heure aurait un impact sur les coûts de la main-d’œuvre pour l’ensemble des entreprises de 460,2 M$, soit 0,21 % de l’ensemble de la masse salariale brute au Québec», soit le même taux que ma deuxième évaluation. Malheureusement, les auteur.es du document ne disent pas comment iels sont arrivé.es à leur estimation de 460,2 M$ et donc à ce pourcentage, si ce n’est de montrer que cette estimation repose sur un total de 400 millions d’heures de travail (multipliés par la hausse de 1,00 $ plus 15,11 % pour les «retenues et les cotisations payées par les employeurs»), alors que les hausses pourraient en fait être inférieures à 1,00 $ pour les 170 millions d’heures faites par les personnes gagnant entre 14,25 $ et 15,25 $ (la différence entre les 400 millions d’heures mentionnées et les 229,2 millions du tableau, en supposant que ces personnes travaillent en moyenne 25 heures par semaine).

Pour les deux secteurs où on trouve proportionnellement la plus grande part de la masse salariale qui va aux employé.es touchant le SM, soit le commerce de détail (8,0 % de sa masse salariale) et l’hébergement et la restauration (12,3 %), une hausse de 7,02 % de la masse salariale des employé.es touchant le SM augmenterait leur masse salariale respectivement de 0,565 % (7,02 % x 8,0 % = 0,565 %) et de 0,860 % (7,02 % x 12,3 % = 0,860 %). En doublant aussi ces résultats pour tenir compte des effets indirects, cela nous donnerait respectivement 1,13 % et 1,72 %. On peut lire à la page 19 du document que les auteur.es estiment que la hausse du SM augmentera leur masse salariale de respectivement 1,1 % et 1,69 %, encore une fois presque exactement au niveau de mes deuxièmes estimations.

On pourrait se surprendre de cet effet minime, mais il est en fait encore plus petit! En effet, il faut en plus tenir compte du fait que la masse salariale n’est qu’un des postes de dépenses des entreprises. Pour satisfaire à mon objectif de départ, soit de déterminer de «quelle ampleur serait la hausse de prix due à l’augmentation du salaire minimum de 7,02 %», il faut en plus savoir quel pourcentage représente la masse salariale des entreprises sur leurs ventes totales, car c’est seulement sur la masse salariale que la hausse de 7,02 % s’applique, pas sur leurs autres dépenses.

Pour le savoir, j’ai utilisé les données des tableaux 33-10-0006-01 (ensemble du secteur des entreprises), 33-10-0102-01 (hébergement), 21-10-0171-01 (restauration) et 20-10-0066-01 (commerce de détail) de Statistique Canada. Ces données m’ont permis de calculer que la masse salariale (y compris les avantages sociaux) représentait au Canada en moyenne pour 2015 à 2019 environ 18,1 % des ventes dans l’ensemble des entreprises, et pour le Québec entre 2016 et 2020, 11,6 % des revenus d’exploitation dans le commerce de détail, 25,5 % dans l’hébergement et 32,2 % dans la restauration, pour une moyenne pondérée de 31,1 % dans les services d’hébergement et de restauration.

Compte tenu des effets direct et indirect de la hausse du salaire minimum de 7,02 % sur la masse salariale totale et de la part de la masse salariale sur les ventes ou sur les revenus d’exploitation, on peut donc estimer que la croissance des prix nécessaire pour la compenser est :

  • pour l’ensemble des entreprises : de 0,21 % x 18,12 % = 0,038 %;
  • pour le commerce de détail : de 1,13 % x 11,55 % = 0,130 %;
  • pour l’hébergement et la restauration : de 1,72 % x 31,1 % = 0,535 %.

On peut donc conclure que la hausse de 7,02 % du salaire minimum pourrait faire augmenter les prix de l’ensemble des entreprises d’environ 0,038 % (effets direct et indirect), soit 185 fois moins que cette hausse (7,02 % / 0.038 % = 185,2)! Ce calcul permet de relativiser le discours du patronat qui, même si son représentant juge la hausse de cette année raisonnable (autre preuve qu’elle est insuffisante!), prétend que les hausses du salaire minimum se répercuteront «dans les prix des services et produits disponibles». En fait, même une hausse à 18,00 $, soit de 26,3 %, n’entraînerait qu’une augmentation de 0,21 % des prix si les employeurs compensaient entièrement le coût de cette hausse en augmentant leurs prix (26,3 % x 1,5 % x 18,1 % x 3 = 0,21 %, je triple au lieu de doubler pour tenir compte des personnes qui gagnent entre 15,25 $ et 18 00 $, dont la hausse serait toutefois inférieure à 26,3 %). Comme des fournisseurs pourraient aussi augmenter leur prix en raison de l’augmentation du salaire minimum, on peut tripler une nouvelle fois pour atteindre 0,64 %.

En outre, ce calcul ne tient pas compte de la baisse du roulement de personnel et de la hausse du rendement qu’une hausse importante du SM entraînerait (voir la note 14 de la page 20 du document), donc de la diminution des frais d’embauche et de formation, ni de l’impact sur l’économie de la hausse des dépenses de ces travailleur.euses (voir sur cette page, avec d’autres avantages à la hausse du salaire minimum). D’ailleurs, quand l’Ontario a augmenté son salaire minimum de 20,7 % au début de 2018 (de 11,60 $ à 14,00 $), non seulement n’y a-t-il pas eu de pertes d’emplois, mais aucun effet sur l’inflation n’a été perceptible par rapport aux autres provinces, sauf dans la restauration (voir ce billet). Il n’y a pas eu non plus d’effet perceptible sur la fréquentation scolaire, même si, là-bas comme ici, les personnes qui s’opposent à des hausses importantes du salaire minimum laissent planer le spectre du décrochage scolaire.

Pour les deux secteurs où on retrouve le plus de personnes touchant le SM, la hausse des prix nécessaire pour compenser la hausse du SM de 7,02 % varierait entre 0,13 % et 0,535 %, soit entre 13 et 54 fois moins que celle du SM. Et, notons que si cet effet est plus élevé que la moyenne dans ces deux industries, c’est qu’il y a des industries où cet effet est encore moindre que la hausse moyenne de 0,64 %! On peut finalement ajouter que, même si le gouvernement n’avait pas adopté une hausse du SM, les employeurs auraient sûrement augmenté les salaires des personnes touchant le SM d’au moins 4 ou 5 %, et peut-être plus en raison des difficultés de recrutement dans ces emplois. En tenant compte de ce facteur, on peut conclure que l’effet spécifique sur les prix de la hausse du SM sera en fait beaucoup plus faible que mes calculs l’estiment, et qu’il serait étonnant que cette hausse cause une perte de client.es aux entreprises, comme le prétend le vice-président pour le Québec de la FCEI.

Et alors…

Ce billet a permis de déconstruire à nouveau quelques-uns des mythes le plus souvent entretenus par les adversaires des hausses du salaire minimum. Année après année, iels reviennent avec les mêmes épouvantails : cette hausse nuirait aux personnes qu’elle est censée aider en entraînant des baisses d’emplois (effet qui ne s’observe jamais), l’emploi diminuerait pour les jeunes et la hausse les ferait décrocher davantage de l’école (bizarre de logique qui prétend que la baisse de l’emploi chez les jeunes en inciterait davantage à décrocher pour occuper des emplois qu’on prévoit moins nombreux…), cette hausse créerait une forte inflation qui annulerait les avantages de l’augmentation de leurs salaires (alors que cette inflation serait environ 185 fois moins élevée que la hausse de leur salaire), etc. Malgré certaines incertitudes dans mes calculs (surtout sur l’effet d’émulation et sur le prix des fournisseurs), l’écart entre les affirmations des adversaires de la hausse du salaire minimum et les résultats de mes calculs (et de ceux du Secrétariat du travail) ne laissent aucun doute sur la fausseté de ces affirmations.

Malgré la qualité de certaines de leurs analyses, les auteur.es du document reviennent malgré tout avec la supposée nécessité que le salaire minimum ne dépasse pas un certain niveau du SHM, soit 47 % il y a quelques années et maintenant 50 % ou même 50,7 % cette année. Le document montre pourtant que rien de négatif ne s’est passé en rehaussant ce ratio. Maintenant que ce ratio a dépassé 50 %, on peut craindre que les prochaines hausses du salaire minimum soient encore moins adéquates. Si rien ne s’est passé de mal (mais beaucoup de bonnes choses) en faisant passer le ratio de 47 % à 50 %, pourquoi ne pas le faire passer à 52 %, puis à 55 % ou plus, ou le baser sur le SHM de l’ensemble des salarié.es?

En effet, le document montre bien que ce ratio a atteint en 2021-2022 plus de 50 % dans cinq provinces canadiennes, plus de 53 % dans quatre provinces (dont 53,7 % en Ontario, province modèle de notre premier ministre), plus de 54 % dans une province (Colombie-Britannique) et plus de 56 % dans une autre province (Île-du-Prince-Édouard), sans que les désastres annoncés par les opposant.es aux hausses du salaire minimum se produisent. Et, à 56 % du SHM, le salaire minimum atteindrait près de 17,00 $, mais 18,00 $, en utilisant la donnée de l’EPA et même 19,00 $ avec celle de l’EERH, surpassant même l’objectif de la Coalition minimum 18$ qui regroupe des organismes de défense des droits des plus démuni.es et des syndicats! Mais, cela n’arrivera que si on travaille pour que cela arrive…

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