À boutte
Avec son livre À boutte – Une exploration de nos fatigues ordinaires, Véronique Grenier, qui enseigne la philosophie au collégial, «se lance dans une «odyssée de la fatigue» pour explorer ce qu’elle appelle nos fatigues ordinaires, celles qui nous sont intimes, mais qui nous définissent aussi socialement».
Introduction – «J’t’assez fatigué, là.» : L’autrice explique le contexte qui l’a amenée à écrire ce livre et l’objectif qu’elle poursuivait en l’écrivant.
Dire la fatigue : Même s’il est facile de constater que «la fatigue habite une personne», cette fatigue peut s’exprimer de bien des façons. L’autrice propose quelques définitions de la fatigue qui correspondent à ses différentes manifestations. Elle cite ensuite ce livre sur l’histoire de la fatigue (voir ce billet) et présente un résumé de ses principaux constats.
Quelques formes (de fatigue) choisies : L’autrice fait le tour des principales formes de fatigue et des noms, adjectifs et expressions qu’on utilise pour les représenter.
Celle du quotidien : L’autrice raconte une de ses journées typiques, réglée à la minute près, puis s’en sert pour montrer l’absurde de cette situation et l’emprise que cette vie donne à la fatigue. On en rêve de pouvoir un jour faire ce qu’on veut vraiment faire et qu’on n’a jamais le temps de faire.
Celle de nos vies numériques : La consultation des réseaux sociaux devrait calmer la fatigue, mais y contribue souvent, notamment en raison de la «surcharge informationnelle», de l’anxiété générée par de la peur de manquer quelque chose (fear of missing out ou FOMO) et du harcèlement qu’on y subit.
Intermède I : Cet intermède est trop court pour être résumé!
Celle de l’information : Nous sommes à la fois submergé.es d’information et envahi.es de fausses et vraies informations (sans compter les zones grises, partisanes et autres), le départage des deux n’étant pas évident et exigeant toujours plus de vigilance et de vérifications, un autre facteur de fatigue. D’ailleurs, j’ai trouvé dans les exemples de vraies nouvelles donnés par l’autrice des éléments qui auraient pu être nuancés, ce qui appuie encore plus son constat sur la nécessité de la vigilance. Elle conclut avec pertinence que «Savoir est un épuisement nécessaire».
Celle de la parentalité : «La fatigue de la parentalité, c’est peut-être celle pour laquelle j’étais la moins outillée». L’autrice explique pourquoi.
Intermède II : Cet intermède étant encore plus court que le précédent, je ne peux pas le résumer non plus.
Celle de la lutte (avec Laura Doyle Péan) : La fatigue du militantisme, à la fois physique (souvent en raison de la violence policière) et (encore plus) psychologique, s’ajoute aux précédentes.
Celle d’être soi : Quand on est déjà épuisé.e, le combat pour toujours agir conformément à l’image qu’on a de soi-même représente une pression supplémentaire. L’autrice liste une centaine de comportements et d’activités qu’on doit respecter pour s’accorder avec ce qu’on croit devoir faire. Et si on vit un problème supplémentaire, cette recherche de faire ce qu’on doit faire peut mener à l’épuisement, voire à la dépression.
Conclusion – Ce que dit la fatigue : Les conditions de vie actuelles sont exigeantes. Même mettre les freins à ce rythme de vie épuisant, lors de vacances, par exemple, peut créer de l’anxiété, se transformer en peur du vide qu’il faudra en plus compenser au retour. La fatigue nous rend en plus vulnérables, incapables de nous mettre des limites et de les respecter.
Épilogue : Un des pires aspects de la fatigue se manifeste par les conseils que les gens pas fatigués nous donnent. Quand on est fatigué.e de faire même des choses qu’on aime, il n’y a pas de solution simple. Peut-être faut-il au contraire faire de la fatigue une amie et cesser de la combattre…
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire! Je ne vois en effet pas de raison de ne pas le lire : il est court (82 pages, selon l’éditeur), bien écrit et porte sur un sujet que nous vivons tous et toutes à divers degrés. Personnellement, je l’ai trouvé complémentaire au livre Histoire de la fatigue – du Moyen Âge à nos jours de Georges Vigarello qui décrit en détail ce concept et son évolution à travers les époques. Je suggère d’ailleurs de le lire avant celui-ci qui va plus loin sur les formes plus actuelles de la fatigue, quoique ce ne soit pas vraiment nécessaire, car ce livre se suffit à lui-même. Autre qualité, les 27 notes sont en bas de page.