Les postes vacants en 2022
Comme la question des postes vacants (pv), souvent associée de façon abusive à celle des pénuries de main-d’œuvre, est de plus en plus présente sur la place publique, je crois important de revenir au moins une fois par année sur le sujet. Ce billet permettra de voir si la fin des confinements dus à la pandémie de COVID-19 a influencé les données sur les pv. Statistique Canada a justement publié la semaine dernière son communiqué sur les données du quatrième trimestre de 2022, ce qui permet d’analyser ces données pour toute l’année. Les données utilisées dans ce billet proviennent surtout des quatre premiers tableaux publiés par Statistique Canada sur cette page, soit ceux qui présentent des données non désaisonnalisées.
Pour l’ensemble du Canada et chaque province
Le tableau ci-contre montre l’évolution des taux de postes vacants (tpv), qu’on calcule en divisant le nombre de pv par l’emploi salarié plus le nombre de pv (soit la demande de travail), entre 2021 et 2022 pour le Canada et chacune des provinces. Je tiens à préciser que la tendance à la hausse des tpv date de bien avant cela, ce taux étant passé au Canada de son niveau le plus bas de 2,2 % au premier trimestre de 2016 à son sommet prépandémique de 3,5 % au troisième trimestre de 2019, alors qu’il est passé au Québec de son niveau le plus bas de 1,5 % au quatrième trimestre de 2015 à son sommet prépandémique de 3,7 % au deuxième trimestre de 2019. Le tableau montre que :
- le tpv a été nettement plus élevé au Québec qu’au Canada en 2021 (5,4 % par rapport à 4,7 %) et en 2022, mais avec un écart moindre (5,8 % par rapport à 5,4 %);
- c’est en Colombie-Britannique que le tpv fut le plus élevé, tant en 2021 (5,7 %) qu’en 2022 (6,1 %), avec le Québec en deuxième position dans les deux cas (5,4 % et 5,8 %);
- c’est à Terre-Neuve-et-Labrador qu’il fut le plus bas ces deux années (3,2 % et 3,7 %);
- le tpv a augmenté de 13 % ou de 0,7 point de pourcentage au Canada entre 2021 et 2022; cette hausse fut la plus forte en Saskatchewan (30 % ou de 1,1 point) même si elle se classait au septième rang, et la plus faible en Colombie-Britannique (7 % ou 0,4 point), même si elle se classait toujours au premier rang.
Même si le tpv a augmenté dans toutes les provinces en 2022, il faut noter qu’il a baissé dans huit des dix provinces entre les troisième et quatrième trimestres de 2022, selon les données désaisonnalisées du tableau 14-10-0398-01, notamment de 0,5 point au Canada et de 0,6 point au Québec. Il est possible que cette baisse perdure, compte tenu de la hausse de la probabilité de voir surgir une récession en 2023 en raison de la hausse des taux d’intérêt, mais il est beaucoup trop tôt pour le dire.
Par région économique
Ce deuxième tableau montre les moyennes de tpv des régions économiques du Québec au cours des mêmes années, c’est-à-dire en 2021 et en 2022 :
- la région de la Capitale nationale avait en 2022 le tpv le plus élevé (7,0 %), alors qu’elle se classait au deuxième rang en 2021 derrière la Côte-Nord et Nord-du-Québec (6,5 % et 6,9 %);
- alors que le tpv du Québec a augmenté de 0,4 point en 2022, il a diminué dans six régions et augmenté dans les dix autres, la baisse la plus forte ayant eu lieu dans la Côte-Nord et Nord-du-Québec (-0,9 point) et la hausse la plus importante en Estrie (+0,8 point);
- alors que l’Estrie gagnait cinq positions en passant du 10e au 5e rang, l’Outaouais et Lanaudière en perdaient cinq, passant respectivement du 4e au 9e et du 5e au 10e;
- l’écart de tpv entre le premier et le dernier rang n’a presque pas changé, passant de 2,55 points en 2021 (6,91 % pour la Côte-Nord et Nord-du-Québec et 4,36 % pour la Mauricie) à 2,58 points en 2022 (7,04 % pour la Capitale nationale et 4,47 % en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine).
Par industrie
Le tableau qui suit nous montre le nombre de salarié.es et les tpv par industrie en 2021 et en 2022 au Québec, ainsi que les écarts entre les deux années en points de pourcentage.
On peut tout d’abord remarquer que le nombre moyen de salarié.es a augmenté de 212 000 ou de 5,9 % entre les deux années, faisant plus qu’effacer la baisse de 50 000 entre 2019 et 2021. Ainsi, l’emploi a augmenté de 161 000 ou de 4,5 % entre 2019 et 2022, performance plus que satisfaisante compte tenu de l’ampleur des pertes d’emploi au pire de la pandémie. Les hausses les plus importantes en 2022 se sont observées dans :
- les services de restauration et débits de boissons (+25,0 % ou +43 500), effaçant ainsi 70 % de la baisse de 60 000 entre 2019 et 2021; malgré cette hausse importante, son tpv n’a diminué que 0,7 point de pourcentage, demeurant le plus élevé des 23 industries du tableau (11,0 %);
- les arts, spectacles et loisirs (+22,5 % ou +10 900), effaçant ainsi les deux tiers de la baisse de 16 400 entre 2019 et 2021; en grande partie en raison cette hausse majeure, le tpv a diminué de 0,8 point de pourcentage, passant de 6,3 % à 5,5 %;
- les services d’hébergement (+17,5 % ou +4800), effaçant ainsi près de la moitié (46 %) de la baisse de 10 500 entre 2019 et 2021; son tpv a tout de même augmenté de 0,3 point à 10,6 %, conservant ainsi son deuxième rang.
Soulignons aussi la hausse de 23 100 salarié.es dans les services professionnels, scientifiques et techniques (+9,5 %), hausse qui s’ajoute à celle de 25 600 entre 2019 et 2021, pour une hausse totale en trois ans de 48 700 emplois (+22,5 %), soit 30,2 % de la hausse totale de 161 400 emplois pour le Québec, même si cette industrie n’embauchait que 6,0 % des salarié.es en 2019, 6,8 % en 2021 et 7,0 % en 2022. Même si cette hausse fut la plus élevée, son tpv est demeuré au-dessus de la moyenne québécoise, malgré une baisse de 0,4 point à 6,1 %, ce qui reflète le dynamisme de cette industrie.
Les trois industries qui avaient les tpv les plus bas en 2022 étaient :
- les services d’enseignement, avec un tpv de 1,3 %, en hausse d’un maigre 0,1 point, même si le manque d’enseignant.es fait souvent les manchettes, probablement parce que les employeurs embauchent beaucoup personnel non légalement qualifié; cet exemple montre bien que les données sur les pv, même si précieuses, doivent être interprétées avec prudence;
- les services publics, essentiellement Hydro-Québec et Énergir, avec un tpv de 2,2 %, pourtant en hausse de 1,0 point en 2022, la deuxième hausse la plus élevée après celle de 1,2 point dans les soins de santé et assistance sociale (de 5,9 % à 7,0 %);
- les administrations publiques, avec un tpv de 2,4 %, pourtant en hausse de 0,4 point en 2022.
Phénomène intéressant, la corrélation entre les écarts de salarié.es et de tpv est négative et relativement forte (-0,54), ce qui signifie que ce sont en général les industries qui ont perdu le plus de salarié.es (ou qui ont eu les plus faibles croissances) qui ont connu les hausses les plus élevées de leur tpv, et vice-versa, comme on l’a vu dans les services de restauration et débits de boissons, les arts, spectacles et loisirs et les services professionnels, scientifiques et techniques. En fait, il est normal que le tpv diminue quand les employeurs parviennent à embaucher beaucoup de salarié.es. L’inverse arrive aussi, comme dans les services d’hébergement, ce qui montre que la hausse de la demande de ces services (surtout en raison de la reprise du tourisme) a surpassé la hausse de l’embauche.
Selon les exigences scolaires
Le graphique ci-contre compare pour 2022 la répartition des exigences scolaires des employeurs pour les pv (barres bleues) à celle du plus haut niveau de scolarité atteint par les chômeur.euses âgé.es de 15 à 64 ans (barres rouges), par la population âgée de 15 à 64 ans (barres jaunes) et par les personnes en emploi âgées de 15 à 64 ans (barres vertes). Précisons que, pour les pv, l’indication «moins d’un DES» s’applique en fait à ceux pour lesquels les employeurs n’ont aucune exigence scolaire, tandis que pour la population, les chômeur.euses et les travailleur.euses, cette indication porte sur les personnes ayant moins d’un diplôme d’études secondaires (DES). J’ai ajouté cette année les données sur les personnes en chômage qu’on considère trop souvent comme le principal bassin de main-d’œuvre en mesure de pourvoir les pv, ce qui n’est pas nécessairement le cas.
On peut voir que le pourcentage des pv déclarés par les employeurs qui exigeaient en 2022 :
- moins d’un DES (36,5 %) était plus élevé de 74 % que celui des chômeur.euses, 2,7 fois plus élevé que celui de la population (13,6 %) et 3,7 fois plus élevé que celui des personnes en emploi (9,8 %);
- un DES (18,7 %) était plus élevé de 5 % que celui des chômeur.euses, de 41 % que celui de la population (13,3 %) et de 52 % que celui des personnes en emploi (12,3 %);
- au plus un DES, soit le total des deux niveaux de scolarité exigés précédents, (55,1 %) était plus élevé de 42 % que celui des chômeur.euses, 2,1 fois plus élevé que celui de la population (26,8 %) et 2,5 fois plus élevé que celui des personnes en emploi (22,0 %);
- un diplôme d’études postsecondaires (32,4 %) était moins élevé de 16 % que celui des chômeur.euses, de 27 % que celui de la population (44,2 %) et de 29 % que celui des personnes en emploi (45,8 %);
- un baccalauréat (10,5 %) était moins élevé de 35 % que celui des chômeur.euses, de 46 % que celui de la population (19,5 %) et de 51 % que celui des personnes en emploi (21,4 %);
- plus d’un baccalauréat (2,0 %) était moins élevé de 69 % que celui des chômeur.euses, de 79 % que celui de la population (9,5 %) et de 81 % que celui des personnes en emploi (10,8 %).
Pour m’assurer que la mention «aucune exigence scolaire» n’est pas une omission par les employeurs répondant à l’enquête et qu’elle est vraiment une absence d’exigences scolaires, j’ai tout d’abord comparé les salaires horaires offerts en 2022. Or, ceux-ci étaient nettement moins élevés dans cette catégorie, passant de 17,80 $ à 20,25 $ lorsque l’exigence était un DES, à 25,94 $ pour un diplôme d’études postsecondaires, à 32,09 $ pour un baccalauréat et à 36,39 $ pour un diplôme supérieur au baccalauréat. En plus, selon les données du tableau 14-10-0064-01, le salaire horaire moyen des personnes en emploi était en moyenne 32,2 % plus élevé que le salaire horaire moyen offert pour les pv (30,96 $ par rapport à 23,41 $), écart qui va dans le sens de postes exigeant en moyenne un niveau de scolarité moins élevé que pour les emplois occupés.
J’ai ensuite regardé dans quelles professions on observait le plus d’absence d’exigences scolaires. Les dix professions (sur les 500) qui regroupaient le plus de pv sans exigences scolaires (et qui regroupaient 52,8 % du total des pv sans exigences scolaires) étaient dans l’ordre les :
- serveurs/serveuses au comptoir, aides de cuisine et personnel de soutien assimilé (14 200 pv, 16,7 % des pv sans exigences scolaires);
- vendeurs/vendeuses – commerce de détail (6800, 8,0 %);
- cuisiniers/cuisinières (3900, 4,6 %);
- garnisseurs/garnisseuses de tablettes, commis et préposés/préposées aux commandes dans les magasins (3650, 4,3 %);
- préposés/préposées à l’entretien ménager et au nettoyage – travaux légers (3600, 4,2 %);
- serveurs/serveuses d’aliments et de boissons (3150, 3,7 %);
- caissiers/caissières (2650, 3,1 %);
- manutentionnaires (2550, 3,0 %);
- conducteurs/conductrices de camions de transport (2500, 3,0 %);
- aides de soutien des métiers et manœuvres en construction (2000, 2,3 %).
Cinq de ces 10 professions, représentant 56 % de ces pv, font partie du personnel élémentaire (dont les fonctions n’exigent en général qu’une formation en cours d’emploi) et quatre du personnel intermédiaire (dont les professions exigent en général un DES) et une seule du personnel technique, mais dont les compétences s’acquièrent souvent hors du système scolaire (les cuisinier.ères). Notons que neuf de ces 10 professions étaient les mêmes en 2021, même si pas toutes au même rang. J’ai aussi noté qu’il n’y avait aucun pv sans exigences scolaires dans 182 professions, dont seulement 7 (4 %) étaient de miveau intermédiaire et aucune de niveau élémentaire. On peut donc conclure sans trop de risque de se tromper que les pv sans exigences scolaires sont bien des postes qui peuvent être occupés par des personnes n’ayant aucun diplôme scolaire.
Par profession
S’il est intéressant de savoir dans quelles professions il y a le plus de pv, cela ne nous dit pas dans lesquelles le tpv est le plus élevé. Le problème avec les données de l’EPVS par profession est qu’elles fournissent le nombre de pv (lorsqu’il y en a au moins 5) pour les 10 genres de compétences, les 40 grands groupes, les 140 groupes intermédiaires et les 500 groupes de base (qu’on appelle fréquemment «les professions») de la Classification nationale des professions (CNP 2016), mais pas le tpv ni le nombre de salarié.es. Cela est selon moi étrange, parce que le tpv et le nombre de salarié.es sont fournis dans le tableau des pv par industrie et que la fiabilité du nombre de salarié.es est forcément plus élevée que celle du nombre de pv pour lequel l’EPVS fournit des données. Cela dit, j’ai trouvé des sources et une méthode pour estimer le nombre de salarié.es et les tpv par profession.
– la méthode
En effet, le tableau 14-10-0103-01 de Statistique Canada fournit le nombre de salarié.es selon l’EPVS pour les 140 groupes intermédiaires. Pour estimer le nombre de salarié.es pour les 500 professions, j’ai utilisé la répartition en pourcentage des 500 professions pour chacun des groupes intermédiaires selon les données du tableau 98-400-X2016294 du recensement de 2016. Par contre, comme le tableau 14-10-0103-01 a été interrompu en 2017 (et ne sera pas repris selon la réponse à un courriel que j’ai envoyé à Statistique Canada), j’ai fait une règle de trois entre le nombre de salarié.es par profession de 2017 en fonction de la variation du nombre total de salarié.es selon l’EPVS entre 2017 et 2022 pour obtenir le nombre de salarié.es selon les 500 professions. Si cette méthode est satisfaisante pour les années précédant la pandémie, elle l’est un peu moins pour 2020 à 2022 en raison des changements structurels de l’emploi, dont on a vu l’ampleur dans le tableau contenant les données par industrie (ampleur toutefois en baisse en 2022 en raison des fortes croissances dans les industries qui ont perdu le plus de salarié.es entre 2019 et 2021). Cela dit, elle fournit tout de même un ordre de grandeur crédible du nombre de salarié.es par profession avec une source provenant aussi de l’EPVS.
– selon les genres de compétences
Le tableau ci-contre montre que les tpv ont augmenté dans sept des dix genres de compétences, mais aussi que l’ordre d’importance des tpv s’est très peu modifié entre 2021 et 2022. Les genres de compétences ayant les tpv les plus élevés en 2022 s’observaient dans les professions :
- du secteur de la santé : 9,8 %, alors que ces professions se situaient au 5e rang sur 10 en 2019 avec un tpv de 4,6 %, mais étaient aussi au premier rang en 2021; la hausse de 1,5 point indiquée à la dernière colonne est la plus élevée des 10 genres de compétences, ce qui montre que les problèmes d’embauche (et de rétention) n’ont pas diminué avec la fin des confinements;
- de la fabrication et des services d’utilité publique : 7,9 % et 8,0 % en 2021;
- des sciences naturelles et appliquées et des domaines apparentés : 7,3 % et 7,1 % en 2021;
- de la vente et des services : 7,2 %, au 5e rang en 2021 avec 6,6 %;
- des métiers, transport, machinerie et domaines apparentés : 6,7 %, au 6e rang en 2021 avec 6,3 %.
Les quatre genres de compétences aux tpv les moins élevés étaient les mêmes en 2021 et en 2022, soit celles des ressources naturelles, agriculture et production connexe (au 7e rang les deux années, avec 5,6 % en 2022 et 6,1 % en 2021), de la gestion (au 8e rang en 2022 avec 3,9 % et au 9e en 2021 avec 3,3 %), de l’enseignement, du droit et des services sociaux, communautaires et gouvernementaux (au 9e rang en 2022 avec 3,6 % et au 8e en 2021 avec 3,5 %) et des affaires, de la finance et de l’administration (au 10e et dernier rang les deux années, avec 3,0 % en 2022 et 2,8 % en 2021).
– selon les niveaux de compétences
Que ce soit en 2021 ou en 2022, le tableau ci-contre montre que les tpv :
- sont les moins élevés dans le personnel de la gestion;
- sont un peu supérieurs à la moyenne dans le personnel professionnel (dont les professions exigent en général un diplôme universitaire);
- sont un peu inférieurs à la moyenne dans les personnels technique (dont les professions exigent en général un diplôme postsecondaire) et intermédiaire;
- sont de loin les plus élevés dans les professions du personnel élémentaire, ce qui est cohérent avec les observations sur les faibles exigences scolaires des employeurs.
– les professions avec le plus de pv et les tvp les plus élevés
Le tableau qui suit montre les dix professions qui avaient le plus de pv en 2022 ainsi que les dix professions comptant au moins 10 000 salarié.es qui avaient les tpv les plus élevés.
On peut voir que six des dix professions comptant le plus de pv étaient dans la vente et les services (dont le premier chiffre du code est un 6), et que trois d’entre elles faisaient partie des professions de niveau élémentaire (dont le deuxième chiffre est un 6 ou un 7), avec les serveurs/serveuses au comptoir, aides de cuisine et personnel de soutien assimilé trônant au premier rang avec 52 % plus de pv que la profession se situant au deuxième rang et avec une hausse de 19 % de ce nombre entre 2021 et 2022. La présence de cette profession au sommet des pv avec celles des cuisiniers/cuisinières au 5e rang et des serveurs/serveuses d’aliments et de boissons au 9e est cohérente avec la première position occupée par les services de restauration et débits de boissons dans le classement des tpv des industries et avec les difficultés de recrutement dont se plaignent les restaurateurs. On y trouve deux professions du commerce de détail et de la santé, les trois autres étant liées à des industries différentes. On peut aussi remarquer qu’on ne trouve dans cette liste aucune profession de la gestion et seulement une des personnels professionnel (les infirmier.ières) et technique (les cuisinier.ières).
Les dix professions montrant les tpv les plus élevés sont plus variées. Il y en a trois qui font partie du personnel professionnel, les programmeurs/programmeuses et développeurs/développeuses en médias interactifs et les analystes et consultants/consultantes en informatique s’ajoutant aux infirmier.ières (qui présentent le tpv de loin le plus élevé avec 25 %), et même une de la gestion (directeurs/directrices – commerce de détail et de gros), mais de justesse, au dixième rang. On en trouvait aussi trois parmi les professions du personnel technique, une du personnel intermédiaire (agents/agentes de sécurité et personnel assimilé des services de sécurité) et deux du personnel élémentaire.
Et alors…
Que conclure de tout cela? Tout d’abord, il est clair que le nombre de pv était déjà en hausse avant la pandémie et qu’elle ne peut donc pas être responsable de toute la hausse observée entre 2019 et 2022. Si quelques industries et professions sont apparues dans les palmarès de celles les plus touchées, la structure des pv a peu changé. En effet, ce sont comme avant la pandémie les professions qui exigent peu de compétences pour lesquelles les employeurs ont le plus de difficulté à trouver du personnel. L’augmentation du nombre de pv ne serait donc pas due en premier lieu à un manque de compétences dans la population, ce qui correspondrait avec l’utilisation du terme «pénurie», mais surtout à une insuffisance de l’offre de main-d’œuvre peu qualifiée et surtout aux conditions de travail peu attrayantes dans ces professions. Lorsqu’on offre en moyenne un salaire horaire de 15,31 $ pour des postes de serveurs/serveuses au comptoir et aides de cuisine et qu’on traite trop souvent mal les personnes qui acceptent de telles offres («On m’a crié dessus pour la millionième fois de ma carrière de cuisinier. Je suis juste sorti et je ne suis jamais revenu»), doit-on se demander longtemps pourquoi on ne trouve pas rapidement des personnes prêtes à occuper ces postes quand ils se libèrent et pourquoi ils se libèrent si souvent? Chose certaine, si le salaire minimum augmentait à 18,00 $ de l’heure, comme revendiqué par les syndicats et les organismes communautaires, et comme inscrit dans la plateforme de Québec solidaire, les employeurs auraient moins de difficulté à pourvoir ces postes et se plaindraient probablement moins souvent aux journalistes de subir des «pénuries» de main-d’œuvre!
La hausse du tpv dans le secteur de la santé, hausse la plus élevée des 23 industries dont j’ai présenté les données, ne peut plus être uniquement liée à la pandémie, mais est sûrement accentuée en raison de mauvaises conditions de travail, pas seulement salariales. On voit qu’il est essentiel de bien traiter les êtres humains qui travaillent pour une entreprise, quel que soit son secteur, si on veut pourvoir les pv et maintenir les travailleur.euses dans ces postes. D’ailleurs, si on fait le tour des conseils aux employeurs pour qu’ils espèrent conserver leurs employé.es, le respect, qui se manifeste de bien des façons, arrive presque toujours au premier rang. Il est beaucoup plus efficace et plus sensé de mettre ces conseils en application que d’embaucher des enfants!
«Il est possible que cette baisse perdure, compte tenu de la hausse de la probabilité de voir surgir une récession en 2023 en raison de la hausse des taux d’intérêt, mais il est beaucoup trop tôt pour le dire.»
J’avais raison d’être prudent dans cette phrase, car les tpv pour le Canada et le Québec ont augmenté légèrement en données désaisonnalisées en janvier selon les données du tableau https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410043201, tout en demeurant inférieurs à ceux datant d’octobre et de janvier 2022.
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