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Le nombre, l’intensité et les droits fondamentaux

12 avril 2012

Depuis le début de la grève et des manifestations contre la hausse des droits de scolarité, il y a un sujet qui me turlupine : peut-on comparer les appuis à la hausse à ceux du gel?

On a vu par exemple que les résultats des sondages varient davantage en fonction des événements que du fond de la question. Ainsi, d’une relative égalité des appuis aux deux positions juste avant la grande manifestation du 22 mars (51 % pour, 49 % contre), nous sommes passés à un appui relativement solide à la hausse une semaine plus tard (61 % à 39 %). Mais, malgré cet appui à la position gouvernementale, la même proportion (61 %) voudrait que le gouvernement négocie avec les mouvements étudiants (78 %, dans le sondage précédent).

Malgré le caractère incertain de ces pourcentages en raison des méthodes utilisées par ces sondages (échantillons non probabilistes par panels Internet), les grandes différences entre les résultats de ces deux sondages et surtout entre l’appui à la hausse et le désir de voir les parties négocier décontenance un peu. Les gens qui se disent en faveur de la hausse dans les sondages sont-ils en fait simplement contre les désagréments causés par la grève et ne veulent-ils pas seulement que le conflit se règle?

L’intensité et la démocratie

Cela m’a amené à une autre question plus dérangeante : peut-on en démocratie évaluer des appuis à une cause non seulement en fonction de leur nombre (ou du pourcentage), mais aussi en fonction de leur intensité? D’un côté, on a des gens qui semblent surtout vouloir que la paix sociale revienne et que cela ne leur coûte pas trop cher, et de l’autre des étudiants qui manifestent jour après jour et sont prêts à sacrifier une session d’études convaincus de la justesse de leurs revendications. Les actes les plus intenses des promoteurs de la hausse (ou des adversaires de la grève?) sont de faire appel aux tribunaux pour défendre ce qu’ils considèrent comme leurs droits individuels, tandis que de l’autre côté on déborde d’imagination et on vise des enjeux sociaux majeurs qui sont loin de se limiter au seul gel des droits de scolarité.

Et, pour certains, tout ce débat se limiterait à une guerre d’image?

Et alors…

Cela dit, je ne crois pas non plus que l’intensité d’une revendication doive primer sur la démocratie et surtout pas sur les droits fondamentaux. Jamais je n’aurais accepté que l’intensité des cris contre les accommodements raisonnables en viennent à remettre en question les droits fondamentaux des minorités. La lutte contre la hausse des droits de scolarité est aussi pour moi une lutte pour la défense d’un principe de base en démocratie, l’accessibilité aux études pour tous. Et, les droits fondamentaux ne doivent pas être sujets à la dictature de la majorité.

7 commentaires leave one →
  1. 12 avril 2012 6 h 12 min

    Les gens sont tellement influencés par les médias – surtout Quebecor – que c’était évident que la balance finirait par pencher contre les étudiants.

    Aucune vision sociale, aucune pespective globale. Chacun contre tous et tous contre chacun pendant que les bien-pensants et les nantis dansent sur le plancher de l’indifférence et de l’avarice.

    Sortez-moi de cette démocratie (néo)libérale….

    Bon billet!

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  2. 12 avril 2012 6 h 25 min

    « Et, les droits fondamentaux ne doivent pas être sujets à la dictature de la majorité. »

    Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison !

    [Coluche]

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  3. 12 avril 2012 6 h 40 min

    C’est pour ça que la démocratie « trop participative » me fait peur! Cela mème inévitablement à des incohérences.

    Le droit et la démocratie participative sont complémentaires, le droit rétablit souvent les incohérences soutenues par les majorités!

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  4. 12 avril 2012 10 h 06 min

    @ Jimmy

    «Les gens sont tellement influencés par les médias – surtout Quebecor – que c’était évident que la balance finirait par pencher contre les étudiants.»

    La Presse ne laisse pas sa place!

    Et, excellente, la citation de Coluche!

    @ Koval

    «le droit rétablit souvent les incohérences soutenues par les majorités!»

    Très bien dit…

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  5. 12 avril 2012 12 h 57 min

    Nouveau sondage ce matin :

    Le travail de la ministre critiqué

    Ça va dans le sens du dernier sondage dont j’ai parlé dans ce billet :
    47 % pour la hausse des droits, 41 % contre

    Mais :

    «47 % des répondants au sondage se disent insatisfaits du travail de la ministre de l’Éducation dans ce dossier alors que 31 % sont satisfaits»

    Intéressant, cette question… et ces résultats! Et, comme avant :

    «une grande majorité de la population (65 %) presse le gouvernement d’entreprendre des négociations avec les représentants étudiants afin de dénouer l’impasse.»

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  6. 12 avril 2012 18 h 00 min

    @Koval

    « C’est pour ça que la démocratie “trop participative” me fait peur! Cela mème inévitablement à des incohérences. »

    La démocratie participative est pour le moins supérieure à la représentative. Le lien entre la population et les prises de décision législatives se veut plus direct sous la participative sans compter que la représentative, sous sa forme parlementaire uninominal majoritaire à un tour, comme au Québec et au Canada, permet des gouvernements omnipotents même si le parti au pouvoir a obtenu un peu plus que le tiers des voix.

    Autre chose: la représentation politique créée une élite poltiique qui s’éloigne progressivement de la base électorale. Ce qui ne favorise pas une bonne santé démocratique – un fossé se creusant entre ceux qui votent les lois et ceux qui les subissent.

    Finalement, la dictature de la majorité serait plus approprié sous un mode démocratique participatif – les citoyens s’impliquant davantage dans le processus législatif par l’entremise de référendums, par exemple.

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  7. 12 avril 2012 18 h 59 min

    « La démocratie participative est pour le moins supérieure à la représentative.  »

    J’ignore comment tu peux faire une telle affirmation, Quand je pense à la démocratie participative, je pense surtout à des référendums par internet. Plusieurs en parlent, peu de résultats jusqu’à maintenant.

    Ces outils peuvent aider à discuter et réfléchir, il devient extrêmement facile de récolter des résultats d’un sondage qui peut appuyer certaines réflexions mais je ne pense pas que l’on puisse remplacer la démocratie représentative par la participative….

    C’est certain que si tu ne parles que de changement de scrutin, on s’entend!

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