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Les bonnes mauvaises nouvelles

27 février 2012

Je devrais m’y habituer, mais je n’y parviens pas… On sait pourtant que les titres d’articles de journaux sont trop souvent trompeurs. Ils disent souvent le contraire de ce que l’article contient. Cette mauvaise habitude s’observe encore plus souvent dans les articles qui portent sur notre système d’éducation. Nos élèves ont beau trôner dans le peloton de tête des enquêtes PISA (Programme international de suivi des acquis des élèves) depuis 2000, rien n’y fait, les journaux peinent à lui reconnaître ses qualités.

Ce préjugé négatif envers notre système scolaire s’est encore manifesté récemment. Comme dans mon billet précédent, c’est encore La Presse canadienne qui sévit… et tous les médias qui conservent l’aspect négatif de cette nouvelle :

  • Radio Canada : Hausse du décrochage scolaire dans plusieurs régions du Québec;
  • Cyberpresse : Hausse du décrochage scolaire dans plusieurs régions;
  • Le Devoir : Le décrochage scolaire s’est amplifié dans plusieurs régions;
  • Le Journal de Montréal : Des taux de décrochage alarmants.

La nouvelle

En fait, quelle est la nouvelle? Comme j’ai lu cet article en premier dans le Devoir, je vais citer ce qu’on y écrit :

«Plusieurs commissions scolaires ont affiché un taux de décrochage en hausse au cours de la dernière décennie»

Ah, y aurait-il eu une hausse du décrochage? Bizarre, les données que j’ai lue dans les Indicateurs de l’éducation montrent une baisse du taux de décrochage entre 1999 et 2009 pour les trois âges pour lesquels on compile des données. De même, le taux d’obtention d’un diplôme est aussi plus élevé… Continuons…

«Au cours de la décennie 2000, loin de se résorber, le taux de décrochage scolaire a grimpé dans plusieurs régions du Québec.

Au total, 20 commissions scolaires sur 72 affichaient en 2009 un taux de décrochage supérieur à ce qu’il était 10 ans plus tôt, selon une compilation des données officielles fournies par le ministère de l’Éducation et effectuée par La Presse canadienne.»

En lisant ça, je me suis tout de suite dit que si 20 des 72 commissions scolaires avaient de moins bons résultats, c’est que 52 en avaient d’aussi bons ou même des meilleurs… D’ailleurs, on peut lire plus loin :

«Pour l’ensemble du Québec, la tendance est cependant à la baisse. De 1999 à 2009, dans le réseau public, le taux de décrochage, pour les garçons et les filles, a chuté de 24,5 à 21,3 %. Il serait aujourd’hui de 17,4 %.»

Hein? La situation s’améliore, et drôlement, mais on souligne en titre et en amorce les résultats moins bons? Quelle malhonnêteté, sachant que les gens ne retiennent bien souvent que les titres et que c’est ceux-là qu’on retrouve dans les revues de presse! Je le répète, je devrais être habitué, mais je ne le serai probablement jamais…

Réactions

Le plus troublant dans les réactions à cette bonne mauvaise nouvelle est celle des syndicats. D’un côté, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) accuse la réforme d’être la cause de la hausse du décrochage scolaire dans les 20 commissions scolaires où il a augmenté. Elle ajoute que la baisse du décrochage dans l’ensemble du Québec est artificielle, car on tiendrait compte dans les nouvelles données des «diplômes maison qui conduisent des élèves vers des formations peu qualifiantes et peu reconnues sur le marché du travail, par exemple aide-pompiste ou aide-palefrenier».

La FAE n’a peut-être pas tort, mais elle ne précise pas l’impact de l’ajout de ces diplômes. François Cardinal, dans son éditorial Baisse artificielle, parle de 3000 de ces diplômes ayant un impact de 2 % sur le taux de diplômation (il doit vouloir dire 2 points de pourcentage, mais laissons ce détail de côté…). Il n’en demeure pas moins que cela ne ferait augmenter le taux de décrochage de 17, 4 % à 19,4 %, soit encore beaucoup moins que le 24,5 % de 1999…

De son côté, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Réjean Parent, a commis un billet sur son blogue avec un titre qui ne laisse aucune place à l’ambiguïté : Décrochage à la baisse – Sensationnalisme à la hausse. Il y dénonce, comme moi, le sensationnalisme des médias, s’attardant par contre uniquement sur le Journal de Montréal qui a, il est vrai, exagéré encore plus que les autres. Il se demande aussi qui profite de cette désinformation et du noircissement de la situation du décrochage, laissant entendre que ce sont les écoles privées… ce qui a bien du sens!

Et alors…

Même s’il était vrai que le ministère de l’Éducation manipule les données (j’aimerais toutefois en savoir plus à ce sujet et surtout disposer d’information et de données fiables), il n’en demeure pas moins que, tout comme Réjean Parent, j’en ai marre de lire et entendre dans tous les médias des nouvelles qui noircissent volontairement notre système d’éducation qui obtient somme toute de meilleurs résultats que la plupart des systèmes d’éducation de notre planète et fait diminuer le taux de décrochage depuis plus de 30 ans, pas assez peut-être, mais de façon très nette tout de même…

13 commentaires leave one →
  1. 27 février 2012 8 h 05 min

    C’est vrai qu’on s’acharne à nous noircir le portrait! Ne soyons pas dupes, on sait à qui ça sert…

    J’avais lu ce gars aussi qui a bien fait ses devoirs!

    http://tendancessociales.blogspot.com/2011/01/le-discours-alarmiste-sur-le-decrochage_09.html

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  2. 27 février 2012 8 h 20 min

    @ Koval

    «J’avais lu ce gars aussi qui a bien fait ses devoirs!»

    En effet! Il ressort des données que j’utilise toujours moi-même, dont celles des indicateurs de l’éducation. C’est d’ailleurs le premier document que je consulterai dans sa prochaine mise à jour pour essayer d’obtenir plus de précision sur les changements apportés à la notion de décrochage et de diplômes, et surtout sur l’impact précis de ce changement. À moins que le MELS ne fournisse plus de détails avant ça…

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  3. youlle permalink
    27 février 2012 19 h 03 min

    On ne parle que décrochage en nous montrant qu’il est de plus en plus catastrophique et qui est pourtant à la baisse.

    Pourtant, jamais on ne parle du raccrochage où nous sommes les champions. Souvent le raccrochage donne des meilleurs résultats que pour ceux qui n’ont pas décrochés.

    Dénoncer le décrochage et l’amplifier sa fait très bien petit Québécois colonisé qui veut se remonter.

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  4. 27 février 2012 22 h 44 min

    @ Youlle

    «Pourtant, jamais on ne parle du raccrochage où nous sommes les champions. »

    Tout à fait!

    «Dénoncer le décrochage et l’amplifier sa fait très bien petit Québécois colonisé qui veut se remonter.»

    C’est pas mal ce que dénonce Lisée (entre autres) en disant qu’il est tanné de se faire qualifier de médiocre par la droite… Ce qui me révulse encore plus cette fois, c’est la FAE qui se sert de cette fausse nouvelle pour critiquer la réforme. Non pas qu’elle ait tort de la critiquer, mais tort d’utiliser de faux arguments pour ce faire.

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  5. koval permalink*
    28 février 2012 8 h 05 min

    Youlle Darwin

    Je pense que ça vaut la peine d’afficher ce graphique, la réelle tendance est le contraire de ce qu’on nous raconte…c’est au Québec que c’est le mieux!

    https://jeanneemard.files.wordpress.com/2012/02/diplomation.jpg

    Source: http://tendancessociales.blogspot.com/2011/01/le-discours-alarmiste-sur-le-decrochage_09.html

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  6. 28 février 2012 8 h 18 min

    Merci Koval!

    En lisant le commentaiure de Youlle, je me souvenais d’avoir vu ce genre d’information la semaine dernière, mais ne me rappelais pas où. Et c’était bien de ce billet!

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  7. youlle permalink
    28 février 2012 9 h 59 min

    Merci Koval!

    Ces graphiques sont précieux pour fin de discussion.

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  8. Pierre Jobin permalink
    28 février 2012 20 h 00 min

    Merci pour cet excellent billet.

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  9. 28 février 2012 20 h 24 min

    Tout le plaisir est pour moi. Et merci pour la référence sur FB!

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  10. Mathieu Lemée permalink
    29 février 2012 19 h 16 min

    @Darwin et Koval

    Que vous ayez des réserves est parfaitement légitime, quoi de plus normal.

    Mais ce texte a quand même le mérite de pousser le débat plus loin que ce qui est véhiculé actuellement dans nos grands médias généralistes et les propos de nos dretteux habituels.

    À cet égard, son auteur, Ianik Marcil, est un économiste de centre-gauche dont le blogue regorge d’idée intéressantes et de propos réfléchis qui mériteraient une plus large diffusion. Son approche est empathique et loin d’être juste comptable, tout comme ses réponses aux commentaires.

    Tout cela n’enlève rien à la qualité de l’article ci présent, que j’ai également diffusé sur FB et Twitter. 😉

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  11. 29 février 2012 20 h 13 min

    @ Mathieu Lemée

    Je crois que votre commentaire vise un autre billet!

    «À cet égard, son auteur, Ianik Marcil, est un économiste de centre-gauche dont le blogue regorge d’idée intéressantes»

    Il a déjà relayé mes billets, alors… 😉

    Je ne visais pas la personne, mais émettais des réserves, c’est tout.

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  12. koval permalink*
    29 février 2012 20 h 14 min

    Ben je dois dire en effet que ce Ianik Marcil semble accueillant, humble et intelligent…Sa tribune est bien. J’ai participé quelquefois dans les blogues de Voir et ça m’a l’air bien.

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  13. Mathieu Lemée permalink
    29 février 2012 22 h 34 min

    @Darwin

    Je savais que vous ne visiez pas la personne, je n’ai voulu que clarifier un point qui ne effet, aurait dû se retrouver sur autre billet que celui-là. 😉

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