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Dire l’autre d’Éthel Groffier

3 août 2020

Par Pierre Alarie

Dire l’autreIntroduction

Dans son introduction, l’autrice tient à souligner que ce livre est son propre cheminement vers une compréhension du problème de l’appropriation culturelle. Elle relate succinctement les événements autour des pièces de Robert Lepage (SLĀV et Kanata) en soulevant l’importance de sortir de l’opposition binaire entre la liberté de création et l’appropriation culturelle. Les victimes éventuelles d’appropriation culturelle voient l’argument de la liberté d’expression comme un refus de dialogue et de prise en considération du contexte historique. La majorité des écrivains et artistes la considèrent comme une valeur incontournable sans laquelle la création est menacée.

Elle précise qu’elle a choisi de se limiter à la situation des Premiers Peuples pour aborder ce thème.

Voici les questions auxquelles elle essaie de répondre : Qu’est-ce que l’appropriation culturelle? Cette notion peut-elle avoir une utilité? Comment s’articule-t-elle avec la liberté de création? Quelle est la responsabilité de l’auteur, de l’artiste, du citoyen?

Chapitre 1. L’appropriation culturelle : une notion à géométrie variable

Dans ce chapitre, l’autrice cherche à comprendre ce qu’est et ce que n’est pas l’appropriation culturelle en citant des définitions et en relatant des opinions opposées. Elle donne plusieurs exemples de situations qu’elle considère être ou ne pas être de l’appropriation culturelle. Il y a aussi une section démontrant les dérives d’une mauvaise application de l’appropriation culturelle, particulièrement dans des universités où la culture de la vulnérabilité semble parfois prendre le dessus sur toute autre considération.

Un des arguments importants des reproches est que les allochtones prennent la place des Autochtones en racontant leurs histoires. Tout en reconnaissant qu’il est vrai que leurs paroles ne sont pas assez entendues, elle prône pour l’action positive et non l’autocensure.

Elle soulève le fait que les arguments de certains opposants à l’application du concept d’appropriation culturelle peuvent être convaincants, mais seulement si on ignore l’histoire de colonialisme et de racisme à la base des accusations sérieuses d’appropriation culturelle. Il est nécessaire de comprendre l’idée que les Autochtones se font de l’appropriation culturelle pour comprendre la valeur de la transmission de leurs histoires. Il est surtout important de prendre connaissance honnêtement des injustices qu’ils ont subies. Ce qu’elle fait dans le chapitre suivant.

Chapitre 2 : Le contexte

Plusieurs facteurs expliquent la violence des reproches d’appropriation culturelle de la part de la communauté défavorisée : une longue histoire d’oppression qui est loin d’être terminée, une représentation dans la littérature et les médias véhiculant les pires stéréotypes et une différence de culture entre les deux communautés, si profonde qu’elle correspond à deux façons pratiquement opposées d’être au monde.

L’autrice donne une longue liste de ce que le colonialisme a fait subir aux Autochtones et les impacts aujourd’hui. Elle s’arrête plus précisément sur les travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones qui siégea de 1991 à 1995. La Commission a reconnu la spoliation et le génocide culturel subis par les peuples autochtones et la nécessité de tenir compte de leur histoire. Elle a reconnu la dépossession des terres et fait beaucoup de recommandations qui sont loin d’avoir été toutes mises en œuvre.

En plus des injustices que les Autochtones ont subies, ils font face à une profonde incompréhension de leur culture. Cartésianisme, marchandisation, droit de propriété sont incompatibles avec la culture autochtone. Éliminer l’ignorance est crucial parce qu’elle conduit aux fausses représentations et aux stéréotypes.

Chapitre 3 : La réconciliation

L’autrice démontre la divergence des opinions en exprimant que la réconciliation est vue par certains comme le chemin vers la décolonisation et par d’autres comme une forme de recolonisation.

Il ne peut y avoir réconciliation sans réparation et sans décolonisation. Il faut d’abord franchir les étapes de la connaissance et de la reconnaissance. La Commission royale avait déjà identifié l’importance du territoire et de la réappropriation des terres. Ça ne pourra se faire sans une résistance féroce des forces capitalistes. L’autrice traite de la responsabilité citoyenne de prendre connaissance de l’histoire véritable de la colonisation avec tous les malheurs qu’elle a engendrés. Le citoyen qui veut la réconciliation doit appuyer les revendications de réparation des injustices.

Chapitre 4 : Le droit à une expression artistique libre

Les Autochtones et les allochtones n’attachent pas la même importance aux notions de droits individuels et de liberté d’expression. Leur histoire ayant été racontée pendant des siècles par le conquérant, il n’est pas étonnant que les Autochtones exigent qu’elle ne le soit pas sans leur supervision.

L’autrice démontre les difficultés et les sensibilités dans la recherche de collaboration et de consultation à travers des exemples réussis et moins réussis. Elle exprime qu’il est préférable de favoriser l’expression des arts autochtones comme suggéré par la Commission royale de 1996 plutôt que par l’autocensure engendrée par les règles du Conseil des arts.

Conclusion

L’appropriation culturelle est un concept imprécis qui ne fait pas la distinction entre ce qui est désirable (échange entre cultures) et ce qui est illicite. La prohibition de l’appropriation illicite ne nuit pas à la liberté d’expression.

Pour autant qu’ils ne versent pas dans l’appropriation culturelle illicite, les créateurs n’ont pas à s’imposer de restrictions. Le véritable scandale est politique et se situe dans les injustices subies par les Premiers Peuples. Il est du devoir de tous les citoyens de prendre connaissance des injustices subies par les Premiers Peuples et de contribuer de toutes les façons possibles à les redresser. Il ne s’agit pas de donner, mais de rendre aux Autochtones.

***

Lire? Lire. J’ai beaucoup aimé. Ce livre m’a permis de mieux comprendre les causes profondes de l’appropriation culturelle. Tout en démontrant l’ampleur des abondantes injustices subies par les Autochtones, ainsi que l’importance d’y remédier maintenant, l’autrice nuance les notions d’appropriation culturelle pour faire ressortir les risques de toute interdiction. Elle mentionne que si l’appropriation culturelle est un sujet sensible c’est tout d’abord à cause des injustices subies, et jamais réparées, par les Premiers Peuples.

Je précise que ce résumé d’un essai d’une allochtone est fait par un allochtone avec toutes ses limites.

4 commentaires leave one →
  1. Isabelle permalink
    3 août 2020 15 h 02 min

    Merci pour l’excellent résumé. Il m’a donné le goût de lire ce livre!

    Aimé par 1 personne

  2. Richard Langelier permalink
    4 août 2020 16 h 48 min

    Il est disponible à la BAnQ. J’ai hâte que l’édifice central ouvre.

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  3. 4 août 2020 21 h 59 min

    On peut réserver par téléphone ou par Internet (ce que je fais), attendre l’avis nous annonçant qu’il est disponible et aller le chercher. Il faut entrer par la porte la plus au nord.

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  4. Richard Langelier permalink
    5 août 2020 11 h 33 min

    Merci !

    Aimé par 1 personne

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