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Le système

28 septembre 2020

systèmeDepuis des années, je suis la page Facebook (et avant ça, le blogue) de Robert B. Reich, ancien ministre du Travail sous Clinton, mais beaucoup plus progressiste que lui. Comme j’apprécie ses analyses, je me suis procuré son livre The system – who rigged it, how we fix it (Le système – qui l’a truqué, comment nous pouvons le réparer). Dans ce livre, il «montre comment la richesse et le pouvoir ont interagi pour installer une oligarchie d’élite, éviscérer la classe moyenne et miner la démocratie». Son objectif est de «démystifier le système afin que nous puissions insuffler un changement fondamental et exiger que la démocratie fonctionne à nouveau pour la majorité».

Introduction : L’auteur raconte une conversation téléphonique qu’il a eue avec Jamie Dimon, «une personnalité de la finance américaine», qui était offusqué du contenu d’une chronique de l’auteur qui l’avait critiqué. Pour lui, Dimon est le symbole des riches qui n’acceptent pas leur responsabilité dans la hausse des inégalités et de l’influence des puissants sur les décisions de l’État (notamment). Il décrit ensuite ce qui ne va pas aux États-Unis et dans le monde, description qu’il approfondira dans ce livre.

Première partie – La démocratie contre l’oligarchie

1. L’obsolescence de la droite et de la gauche : «De nos jours, la plus grande division n’est pas entre la gauche et la droite, mais entre l’oligarchie et la démocratie». Cette oligarchie finance les partis qui l’avantagent, adopte des lois, manipule les marchés financiers et crée des monopoles, comme à l’époque des barons voleurs. L’auteur accompagne ces affirmations de nombreuses données pertinentes, surtout sur la croissance des inégalités de revenus et de richesse, mais aussi sur la diminution des impôts des riches et des sociétés, et des sommes consacrées à la redistribution, aux infrastructures, à l’éducation et à l’environnement. Il présente ensuite les grandes lignes d’un plan pour renverser la vapeur. En terminant le livre, j’ai compris que sa remarque sur la droite et la gauche portait en fait sur les républicains et les démocrates, ces derniers appuyant aussi cette oligarchie.

2. Patriote avant tout? : Si Jamie Dimon a de fait posé des gestes positifs pour aider les plus pauvres, il a appuyé avec ses lobbyistes la baisse d’impôt des sociétés qui empêche l’État d’intervenir de façon bien plus importante et démocratique sur ces enjeux et a combattu la hausse du salaire minimum. L’auteur donne bien d’autres exemples de sa duplicité et de celle de l’ensemble des pdg dans d’autres domaines. Cela montre à quel point la supposée responsabilité sociale des entreprises n’est qu’un slogan de relations publiques qui vise à camoufler leurs efforts pour en fait diminuer leur responsabilité sociale ainsi que celle des États.

3. Le socialisme pour les riches, le capitalisme impitoyable (harsh capitalism) pour les autres : Jamie Dimon, démocrate influent, a mis le parti en garde en 2019 contre le socialisme qui serait «un désastre pour notre pays», comme d’autres puissants l’avaient fait pour s’opposer au New Deal de Roosevelt. L’auteur montre que les États-Unis mettent en fait en pratique une forme de socialisme, le socialisme pour les riches, tout en refusant d’offrir les programmes sociaux pourtant présents dans la plupart des pays riches à l’ensemble de sa population. Il donne de nombreux exemples de ce socialisme inversé, accompagné d’un capitalisme impitoyable pour le reste de la population.

4. Le système de corruption : Ce chapitre porte sur l’influence déterminante des riches et des grosses sociétés (notamment financières) sur les politiques adoptées aux États-Unis, et sur l’affaiblissement des contre-pouvoirs, comme celui des syndicats.

5. Le silence des pdg : Eux qui aiment bien se prononcer sur tout, les pdg n’ont toutefois jamais dit un mot en réaction aux décisions et aux tweets les plus odieux de Trump. Son administration a baissé leurs impôts et a déréglementé selon leurs désirs, et le reste leur importe peu. Ils ont d’ailleurs continué à financer grassement le parti républicain et ses candidat.es, un investissement très rentable pour eux.

6. La contradiction fondamentale : L’auteur montre que «c’est une folie de compter sur les entreprises américaines et leurs pdg pour créer volontairement de bons emplois aux États-Unis, augmenter la productivité et les salaires des travailleurs américains, et faire des États-Unis le leader des industries du futur».

Deuxième partie – Le chemin vers l’oligarchie

7. Le cercle vicieux : La hausse des inégalités et l’avènement de l’oligarchie ne sont pas des phénomènes économiques normaux, mais sont le résultat d’institutions et de politiques prises dans un cercle vicieux, conséquence d’un virage majeur du pouvoir. Le fonctionnement des marchés n’est pas quelque chose de naturel, mais est plutôt une création humaine, avec des règles qui peuvent être changées selon la volonté des gouvernements qui les a créées. Dans le cercle vicieux actuel, les règles sont établies par et pour les puissants. L’auteur présente dans les trois prochains chapitres les trois principaux facteurs qui expliquent ce cercle vicieux.

8. Du capitalisme des intervenants au capitalisme d’actionnariat : Dans les années 1950 et jusqu’aux années 1980, les pdg ne visaient pas seulement les profits à court terme de leurs actionnaires (ainsi que leurs propres profits), mais aussi le bien-être de leurs employé.es, de leurs clients et de leur communauté. Leur rémunération était aussi bien moins élevée (elle est passée de 20 fois celle de leurs employé.es dans les années 1960 à plus de 300 fois de nos jours), ce qui diminuait les incitatifs à ne viser que la hausse de la valeur des actions à court terme. L’auteur donne de nombreux exemples de ce virage et de ses conséquences désastreuses pour les travailleur.euses et les communautés.

9. Le virage du pouvoir : Le virage vers l’objectif unique des entreprises vers les profits de leurs actionnaires a eu d’autres conséquences, dont l’affaiblissement du rapport de force des travailleur.euses face aux employeurs. Cela a fait baisser la part du travail dans les revenus nationaux et augmenter les profits, donc de la part du capital. La mainmise des sociétés sur la politique a aussi affaibli les lois du travail (et fait baisser le taux de syndicalisation), accentuant encore leur avantage dans le rapport de force avec les travailleur,euses. Cette mainmise s’est aussi traduite par la baisse de leurs impôts, l’octroi de toujours plus de subventions, l’affaiblissement des lois antitrust, etc.

10. Le dernier mécanisme d’adaptation : L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail depuis la fin des années 1970, la durée plus longue de travail que dans les autres pays industrialisés et la hausse de l’endettement ont soutenu la consommation des ménages. Mais, ces mesures n’ont pas suffi à compenser les effets du troisième facteur expliquant le cercle vicieux actuel, soit la vague de déréglementation, surtout dans le secteur financier, à la source de la crise débutée en 2007. L’auteur, qui était ministre du Travail sous Clinton, raconte comment cela a pu arriver et décrit quelques-unes des conséquences désastreuses qui en ont découlé.

11. Le triomphe de l’oligarchie : Le triomphe de l’oligarchie vient d’une série de changements dont aucun n’a été déterminant. Personne ne semble avoir regardé le système qui s’est au bout du compte mis en place. L’auteur nous explique comment quelques membres de l’oligarchie ont fait fortune, souvent en héritant, et présente les conséquences de cet enrichissement sur le reste de la population.

Troisième partie – Vaincre l’oligarchie

12. Les Furies : Ce chapitre porte sur la colère de la population face à un système qu’elle voit truqué à l’avantage d’une minorité. Elle se manifeste de façon parfois contradictoire, mais a certainement joué un rôle dans l’élection de Donald Trump et la hausse de la popularité de Bernie Sanders, et dans la montée du racisme et de l’extrême droite. Les démocrates sont aussi responsables que les républicains face à cette situation, surtout lors des présidences de Bill Clinton et de Barack Obama, et subissent la colère de la classe ouvrière. Pour sortir de cette impasse, les démocrates doivent résolument s’attaquer à l’oligarchie avec une réforme démocratique radicale.

13. Comment les oligarchies conservent le pouvoir : Historiquement, les oligarchies ont toujours été instables. Elles n’ont pu rester au pouvoir qu’en utilisant la force, mais seulement pendant un temps, jusqu’à ce qu’une forte majorité de la population décide de les renverser. Pour rester au pouvoir, elles peuvent toutefois utiliser d’autres moyens que la force, soit les croyances (religieuses, idéologiques et autres), la corruption des personnes influentes et l’invention de menaces intérieures et extérieures. L’auteur analyse dans ce chapitre l’utilisation de ces trois moyens aux États-Unis.

14. Pourquoi la démocratie prévaudra : Ce n’est pas la première fois que les États-Unis connaissent une période sombre. Ce pays s’en est toujours relevé. Mais, cela n’arrivera pas automatiquement ou simplement en le souhaitant. L’auteur présente comment il envisage la révolte de la majorité qui se fait exploiter. Si les démocrates ne s’éloignent pas de l’oligarchie, il recommande même la création d’un troisième parti pour représenter adéquatement la grande majorité des citoyen.nes. Et il conclut en disant que «La démocratie vaincra, si nous nous battons pour elle».

15. Un dernier mot à M. Dimon : L’auteur explique à Jamie Dimon ce qu’il devrait faire s’il voulait vraiment aider sa communauté : à peu près l’inverse de ce qu’il fait!

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! Je ne peux pas dire que j’en ai appris beaucoup dans ce livre, notamment parce que l’auteur parle souvent de ce sujet dans ses écrits. Mais, ce livre présente ses thèmes de prédilection de façon très structurée, permettant de bien faire les liens entre eux. Son style est clair et agréable à lire. J’ai d’ailleurs rarement eu autant de facilité à lire un livre en anglais. S’il y a parfois quelques répétitions, elles se justifient par les différents angles sous lesquels l’auteur présente les faits qu’il aborde. Il n’y a pas de notes, mais seulement des références à la fin du livre sur les sources qu’il a utilisées.

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