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Sur la science qui surprend, éclaire et dérange

7 janvier 2019

Avec son livre Sur la science qui surprend, éclaire et dérange, Jean-René Roy, astrophysicien, constate que, si «chez certains, la science suscite curiosité et enthousiasme, chez d’autres elle provoque la crainte, l’incrédulité ou le simple déni». Ce livre vise à expliquer pourquoi la science provoque des sentiments aussi opposés.

Avant-propos : «En tant que citoyens d’une société jouissant d’institutions démocratiques fortes, nous avons le devoir de nous informer et de comprendre les enjeux pour être capables de jouer notre rôle d’arbitre sage et bienveillant. Il importe en effet de savoir et de comprendre plutôt que de croire et d’ignorer».

Introduction – Lettre à Qohéleth : L’auteur profite d’une lettre qu’il écrit à Qohéleth, auteur présumé d’un texte faisant partie de l’Ancien Testament, l’Ecclésiaste, pour raconter l’évolution des connaissances astronomiques et pour le féliciter de sa phrase la plus célèbre, soit «Vanité des vanités, tout est vanité» qui représente bien ce que l’être humain pense de lui-même, et en commenter quelques autres, en faisant des liens avec les chapitres de ce livre. Une introduction pour le moins originale!

Première partie – La science pour comprendre le monde

1. La science qui bouge : «L’objectif des scientifiques est de comprendre comment fonctionne le monde». Or, la «démarche scientifique est complexe; elle est souvent longue et difficile, semée d’embûches». Dans ce chapitre, l’auteur présente cinq exemples de démarches «qui illustrent la réalité d’une science intrinsèquement dynamique (…) d’une science qui bouge – qui tâtonne, mais qui pousse les frontières avec l’inconnu», dans des domaines aussi variés que la cytogénétique, la tectonique des plaques (reconnue seulement vers 1960), la transmutation des éléments (dont la radioactivité), l’ADN (en fait découvert en 1869, même si les principaux travaux en biologie moléculaire ont commencé dans la deuxième moitié du XXe siècle) et les ondes gravitationnelles (observées en 2015, près de 100 ans après que Einstein eut mentionné leur existence).

2. La science qui surprend : «Les surprises sont des connaissances acquises ou des découvertes, ayant un caractère inattendu, ou effectuées en très peu de temps, et qui ont des répercussions qui transforment la discipline». Pour bien faire comprendre ce concept, l’auteur donne un exemple de découverte attendue, la présence de nombreuses exoplanètes, puis en fournit quelques-unes plus surprenantes. Il en présente ensuite trois avec plus de détails, soient la découverte des gènes du rythme circadien (rythme observé en 1729, mais dont le lien avec un gène n’a été découvert qu’en 1984), la réalisation que l’air a un poids et la découverte de l’expansion de l’univers (Einstein a rejeté longtemps et avec véhémence cette hypothèse, mais a fini par se rallier face aux observations de plus en plus nombreuses qui l’appuyait). L’auteur précise que ces surprises peuvent nous sembler de nos jours dans l’ordre des choses, mais qu’elles ont grandement étonné lors de leur découverte.

3. La science qui éclaire : «Par savoirs qui éclairent, je désire décrire la science qui organise, qui effectue la mise en ordre d’un ensemble de faits ou met dans une forme révélatrice des connaissances acquises depuis un temps plus ou moins long». Après avoir signalé la nomenclature binomiale de Carl Von Linné pour classifier les organismes, l’auteur décrit plus en détail «trois exemples de la science qui éclaire» :

  • le tableau périodique des éléments chimiques de Dmitri Mendeleïev (qui a en plus déjà dit du pétrole que «Ce matériau est trop précieux pour être brûlé; quand nous brûlons du pétrole, nous brûlons de l’argent; il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique»);
  • les lois mathématiques d’échelle qui régissent le vivant, les systèmes de la nature et la société humaine : intéressant même si j’ai des réserves sur les exemples qui portent sur les comportements humains (voir ce billet récent), mais en plus, l’auteur se trompe à un endroit dans ses calculs; il écrit : «j’ai un cube dont les côtés font un mètre : le volume est un mètre cube; et la surface est de quatre mètres carrés [en fait six, car un cube a six faces]. Si je calcule pour un cube dont les côtés font deux mètres, le volume fait huit mètres cubes et la surface six mètres carrés [en fait 24, soit 2x2x6]»; cela dit, le principe qu’il tente d’expliquer est pertinent, soit que «le rapport surface/volume diminue avec la taille», puisqu’il passe de 6/1 = 6 à 24/8 = 3 (j’ai écrit à l’éditeur à ce sujet, mais il ne m’a pas répondu);
  • la théorie de l’évolution par sélection naturelle proposée par Charles Darwin et Alfred Wallace.

4. La science qui dérange : «Les savoirs peuvent être dérangeants pour de multiples raisons», pour des motifs politiques, religieux économiques ou psychologiques, on l’a vu dans les chapitres précédents, notamment dans les cas des découvertes de l’héliocentrisme et de la théorie de l’évolution par sélection naturelle. L’auteur aborde plus à fond dans ce chapitre :

  • l’origine de l’Homo sapiens (sans dessein intelligent, due au hasard);
  • l’édition des gènes (clonage, OGM, etc.);
  • la xéno-transplantation (transplantation «d’un tissu d’une espèce chez un individu d’une autre espèce», par exemple d’un rein de porc chez un humain, ce qui ne se fait pas encore);
  • le nucléaire;
  • le réchauffement planétaire d’origine anthropique (où on apprend notamment que la reconnaissance de l’effet de serre causé par la présence dans l’atmosphère de composés moléculaires date de 1820…).

Deuxième partie – Les usages de la science

5. Croyances et savoirs : Dans ce chapitre, l’auteur s’attarde «à expliquer ce que signifie et ce qui distingue croyances, opinions et savoirs», puis nous parle des intuitions et des illusions, et se penche finalement «sur la croyance idéologique, particulièrement la religieuse, qui est un endossement inconditionnel d’un crédo inaltérable».

6. Instrumentalisation de la science – techno-utopies et techno-catastrophes : «Nous sommes bombardés par des quantités colossales d’information, de propagande et de désinformation. Malheureusement, nous sommes mal outillés pour séparer l’ivraie du bon grain (…)». Du côté des techno-utopies, les exemples de l’auteur vont «de l’utilisation de bombes thermonucléaires pour de grands travaux de génie (…) aux annonces sibyllines de tenants de l’intelligence artificielle et de promoteurs débridés de l’exploration spatiale future». Du côté des techno-catastrophes, il aborde les harangues des sociologues «friands de l’acharnement contre la science (science bashing)».

7. La science qui aide : «La science explique le monde; ce faisant, elle donne des outils pour le modifier. La synergie entre connaissance scientifique et applications est très ancienne. On retrouve des retombées des savoirs scientifiques dans tous les domaines de l’activité humaine» de la musique et de la cuisine à la construction et à la production d’énergie, en passant par la médecine et par l’armement. Les deux exemples développés dans ce chapitre portent sur le laser et le CRISPR-Cas9une enzyme spécialisée pour couper l’ADN avec deux zones de coupe actives, une pour chaque brin de la double hélice», selon Wikipédia). Il poursuit en parlant plus brièvement de la recherche industrielle et des risques qui nous menacent et des précautions à prendre pour les éviter ou les amoindrir.

Conclusion : L’auteur revient sur quelques thèmes abordés dans son livre, insistant surtout sur l’aspect dynamique de la science. Il mentionne entre autres que «La science est en recherche continuelle de vaincre notre ignorance, subjuguer nos préjugés et repenser le monde». Et il conclut que, par-dessus tout, «la science marche, ça fonctionne».

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! J’ai lu tellement de livres sur la science dernièrement que je ne pensais pas apprécier autant ce livre. Il se distingue des autres surtout par sa structure, regroupant les caractéristiques de la science par thèmes, ce que j’ai grandement apprécié. Le livre se lit bien, les explications sont en général claires (certains sujets sont plus ardus, ce n’est pas de sa faute!) et les chapitres sont agrémentés de photos, graphiques et images qui rendent la lecture agréable. Finalement, les notes sont en bas de page à mon grand plaisir!

One Comment leave one →
  1. 7 janvier 2019 10 h 41 min

    Moi qui n’avais jamais entendu parler du CRISPR-Cas9 avant de lire ce livre, voilà que je le vois apparaître dans un éditorial de La Presse+ (merci à Alain Vadeboncoeur).

    http://plus.lapresse.ca/screens/a0221631-7bd4-457f-9a03-546cff88fada__7C___0.html

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