Pénuries de main-d’œuvre ou pénuries d’ours?
Ce ne fut vraiment pas la semaine des sciences pour les conservateurs!
Un petit sondage…
La semaine a en effet commencé par la diffusion d’«un vaste sondage Environics commandé par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada auprès des quelque 15 000 scientifiques syndiqués qu’il représente.» auquel plus de 4 000 de ces scientifiques travaillant dans 40 ministères et organismes fédéraux ont répondu. Résultat?
- 18 % des 651 répondants travaillant à Santé Canada ont affirmé s’être fait demander d’exclure des informations par l’entourage du ministre;
- un scientifique sur deux dit être au courant de cas où la santé et la sécurité des gens ou la durabilité de l’environnement sont compromises à cause d’ingérence politique dans les travaux scientifiques ou de cas où un ministère a supprimé des informations ou refusé de les publier;
- à Environnement Canada, 63 % des 670 répondants ont affirmé que le ministère n’incorpore pas la meilleure science à propos des changements climatiques dans ses politiques et ses prises de décision.
Disons qu’on ne s’étonnera pas de ces résultats, mais qu’on doit s’en scandaliser encore et encore!
Encore les pénuries de main-d’œuvre…
La veille, pour vendre son programme de Subvention canadienne pour l’emploi qui a besoin de la participation des provinces, mais que la plupart de celles-ci rejettent, le ministre responsable de ce programme a encore répété que celui-ci était essentiel pour «mettre fin au déséquilibre entre les compétences et les emplois, à savoir qu’il y a trop de Canadiens sans emploi et trop d’emplois non comblés»
Or, non seulement ce programme est-il contesté, mais l’affirmation du ministre sur le déséquilibre entre les compétences et l’emploi l’est aussi. À peine avait-il en effet terminé son discours que deux études venaient contredire ses affirmations…
Tout d’abord, la Banque TD a publié dès le lendemain une étude dans laquelle on peut lire que «La notion d’une disparité d’envergure entre les compétences détenues et recherchées sur le marché du travail a dominé l’actualité. Avec les données en mains, nous réfutons l’idée selon laquelle le Canada fait face à une imminente crise des compétences». Les auteurs ajoutent : «Par ailleurs, si certains domaines et certaines provinces présentent les signes d’une telle disparité, les données peu nombreuses et non chronologiques nous empêchent d’affirmer que la situation est pire aujourd’hui que dans le passé». Bref, pas besoin de mettre fin «au déséquilibre entre les compétences et les emplois», car le problème n’existe pas ou si peu…
Le même jour, Statistique Canada publiait un communiqué sur les postes vacants dans lequel on mentionnait que «Le taux national de postes vacants s’est établi à 1,4 % en juillet, en baisse par rapport au taux de 1,8 % observé 12 mois plus tôt», une baisse de 20 %! Et, comme je le précisais il y a quelques mois dans un précédent billet, les industries où on retrouve les taux de postes vacants les plus élevés ne sont pas ceux que semble viser le ministre avec son programme, mais des secteurs où on exige soit de très fortes compétences qui ne peuvent pas s’acquérir avec un programme de courte durée, comme les services professionnels, scientifiques et techniques (ingénieurs, architectes, avocats, etc.), ou des secteurs où les difficultés de recrutement originent des conditions de travail les moins intéressantes (salaires, horaires, emplois saisonniers, etc.) comme l’hébergement et les services de restauration. Et cette industrie demeure celle où le taux de postes vacants est le plus élevé en Saskatchewan et en Alberta, et qui fait venir le plus de travailleurs étrangers temporaires au Canada après l’agriculture. Bref, le ministre préfère se baser sur on ne sait pas trop qui ou quoi plutôt que sur des études scientifiques et des données fiables.
Et, trois jours plus tard, son discours n’avait pas changé d’un iota, profitant même de la signature de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne pour répéter sa cassette si souvent contredite…
«Le ministre Kenney a également souligné l’importance de remédier aux pénuries de main-d’œuvre au Canada afin de tirer profit des incroyables débouchés qu’offre l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. Cet accord historique créera quelque 80 000 emplois pour les Canadiens et donnera aux entreprises canadiennes accès à un demi-milliard de nouveaux clients.»
Rien à faire, il sera toujours imperméable aux faits… Quant aux 80 000 emplois, on en reparlera!
Les ours polaires…
Encore le même jour, on apprenait que «Même si l’ours blanc est désigné « espèce préoccupante » sur la liste canadienne des espèces en péril, la ministre de l’Environnement, Leona Aglukkaq, ne s’inquiète pas pour la population. Selon elle, l’espèce se porterait en fait plutôt bien».
Sur quoi se basait-elle pour faire une telle affirmation qui va à l’encontre des études scientifiques? «Mon frère est un chasseur qui vous dira que la population d’ours a augmenté et que les scientifiques ont tort». Cela dépasse presque l’épisode rocambolesque où le sénateur Boisvenu contestait les données de Statistique Canada sur la criminalité. «C’est comme si les criminologues ou les administrateurs du système avaient trouvé une méthode de calcul pour justifier leurs jobs» disait-il… La ministre Aglukkaq nous a d’ailleurs servi un argument du même genre (on reconnaît l’appartenance politique…) en lançant : «Souvent, les scientifiques jettent leur dévolu sur la faune et la flore du Nord pour démontrer que le changement climatique est en marche et que les ours polaires vont disparaître et je ne sais quoi». Son frère est bien sûr une source tellement plus crédible… s’il lui a vraiment dit ça!
Et alors…
Je pourrais conter bien d’autres anecdotes du genre… Tiens, une dernière : «Vous revenez constamment avec les cas d’études, moi, je vous reviens avec des témoignages de citoyens. (…) il faut tenir compte de ce que les citoyens nous disent».
Oups, ça, ça ne vient pas d’un ministre conservateur, mais du ministre péquiste Bernard Drainville… C’est ce qu’il a répondu à Gérard Bouchard quand celui-ci lui demandait sur quelles études il se basait pour prétendre que les accommodements raisonnables ne se passent pas bien (voir entre autres à partir de 16 minutes).
Bon, ce n’est pas un ministre conservateur, mais, à entendre les arguments qu’il utilise, c’est à s’y méprendre!
L’art du déni … les politiciens en sont les maîtres.
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Je ne le nierai pas!
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Pour les ours elle a raison la ministre…
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Je me disais bien que ma comparaison avec les affirmations de ton sénateur favori te la rendrait sympathique!
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Le Devoir d’aujourd’hui présente une série d’articles sur les ours polaires! Un des articles de cette série porte justement sur les possibilités de survie des ours polaires face au réchauffement climatique. Voici ce que dit à ce sujet, et à propos des affirmations de a ministre de l’Environnement, Leona Aglukkaq :
Ouch!
http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/392210/un-avenir-incertain
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