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Sauver les médias

23 Mai 2016

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Sauver les médias Capitalisme, financement participatif et démocratie de Julia Cagé propose des solutions pour… sauver les médias! On verra dans ce billet si ces solutions se tiennent et peuvent atteindre leurs objectifs.

Introduction – Pour une nouvelle gouvernance : Même s’il n’y a jamais eu plus de médias et de plateformes d’information, ceux-ci n’ont jamais été aussi faibles. La qualité de l’information laisse à désirer et le financement est de plus en plus difficile. L’auteure précise que la baisse des revenus des médias a commencé bien avant l’arrivée d’Internet, la part des recettes publicitaires dans les journaux sur le PIB ayant commencé à diminuer dès 1956 aux États-Unis! Cela dit, cette tendance s’est nettement accélérée au cours des dernières années. L’auteure, rejetant le modèle de financement basé sur les riches mécènes qui en viennent à contrôler l’information ou sur l’actionnariat, propose un nouveau modèle de société de média qui donne le contrôle à la fois aux lecteurs et aux artisans des médias.

1. L’âge de l’information? : Si l’information est un bien public, on ne doit pas en donner la responsabilité à l’État, ni au secteur privé à but lucratif. L’information ne provient pas seulement des médias, mais aussi du secteur de l’éducation supérieure et des autres établissements de recherche. Par contre, ce sont les médias qui s’assurent de la plus grande part de la diffusion de ces informations au grand public. Et ce sont les journalistes qui s’assurent de vérifier cette information, de la mettre en contexte, de la commenter et de la publier.

Pendant ce temps, le nombre de journalistes diminue dans presque tous les pays occidentaux et stagne dans les autres. Cette baisse n’est pas due en premier lieu à une diminution du nombre de médias, mais à celle du nombre de journalistes par média, et ce, dans un contexte où une bonne partie de ces journalistes doivent travailler exclusivement pour la version Internet de ces médias. Cela laisse de moins en moins de journalistes pour creuser l’information ou pour présenter une couverture complète de l’information. La hiérarchisation des informations à diffuser gagne donc en importance et ce sont souvent les informations régionales qui sont laissées de côté.

2. La fin des illusions : La première illusion dont l’auteure voit la fin est celle de la publicité. Censée rendre les médias indépendants des pouvoirs politiques, elle les rend dépendants d’un autre pouvoir, celui de l’argent. En plus, comme la part des revenus des médias provenant de la publicité plonge depuis plus de 50 ans, cette dépendance n’assure même plus leur viabilité. La deuxième illusion est celle de la concurrence. L’industrie de l’information se caractérise par une forte proportion de coûts fixes. C’est le premier exemplaire qui coûte cher à produire, pas les suivants. Cette caractéristique incite les propriétaires à faire diminuer la concurrence et à favoriser la convergence des médias et, lorsque ce n’est pas interdit, une convergence croisée (journaux, radios et télé). L’importance croissante d’Internet contre un peu cette tendance, mais elle demeure inquiétante pour la démocratie. Par contre, le niveau de fréquentation de ces sites est aussi une illusion. Les journaux parlent des millions de visites sur leur site (alors que les visiteurs ne font la plupart du temps que survoler les articles sur lesquels ils arrivent), mais ces millions de visites rapportent bien peu, sauf si le site est réservé à des abonnés, ce qui est le modèle que favorise l’auteure.

L’auteure aborde ensuite l’aide gouvernementale à la presse. Là, elle reproche plus le type d’aide que son ampleur (d’ailleurs, une enquête récente, «préparée à la demande de la Fédération nationale des communications (FNC)», montre que cette aide est 10 fois plus importante en France qu’au Québec). Il demeure que cette partie du livre m’a moins intéressé, car très axée sur la situation de l’aide en France. Elle poursuit en s’attaquant pour finir à l’illusion d’un nouvel âge d’or financé par l’achat de journaux par des milliardaires. Elle craint bien sûr que ces achats rendent les journaux encore plus dépendants du pouvoir de l’argent, le plus grand danger étant la succession, alors que les descendants n’ont pas nécessairement des intentions aussi «pures» que les fondateurs. Je ne peux qu’approuver.

3. Un nouveau modèle pour le XXIème siècle : L’objectif de cette dernière partie du livre est de «proposer un nouveau modèle économique et juridique pour les médias du XXIème siècle, un statut innovant de «société de médias» au croisement de la société par actions et de la fondation». L’auteure souligne à nouveau que le premier objectif des médias est «la fourniture d’un bien public», soit «une information de qualité, libre et indépendante, indispensable au débat démocratique, et non la maximisation du profit et le versement de dividendes à leurs actionnaires». Dans cette optique, la société par actions cotée en Bourse est donc à rejeter.

L’auteure analyse ensuite les avantages et désavantages (en termes d’organisation et de fiscalité) de diverses formes juridiques : fondations, coopératives, organismes sans but lucratif et d’autres qui n’ont pas, à ma connaissance d’équivalents au Québec. Même si cette lecture est un peu aride, l’auteure explique bien les particularités de chacune de ces formes. Elle en arrive finalement à sa proposition qui jumellerait trois formes juridiques, pour les différentes fonctions d’un média. Encore là, j’ignore si ces formes seraient applicables au Québec. Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’un tel jumelage permet de garantir «sur le long terme, l’indépendance des entreprises de presse». Elle poursuit en définissant un peu mieux sa société des médias, mais en ajoutant qu’on doit aller sur un site Internet pour obtenir plus de détails et pour pouvoir simuler son modèle de sociétés avec différents paramètres.

Conclusion – Capitalisme et démocratie : Cette courte conclusion ne vise qu’à apporter quelques arguments supplémentaires pour mettre de l’avant sa société de médias.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? À moins d’apprécier vraiment les livres sur le sujet, je ne le conseille pas. J’ai lu récemment quelques livres qui présentent bien mieux le cul-de-sac dans lequel les médias sont maintenant acculés. Sa solution est bien technique et exige finalement une augmentation de l’aide de l’État. Est-ce une bonne solution? J’ai de la difficulté à associer une forme juridique à une solution globale d’un problème bien plus fondamental. Cela dit, sa solution ne pourrait pas nuire!

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