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Cabinet de curiosités sociales

22 avril 2019

Avec son livre Cabinet de curiosités sociales, un recueil de chroniques parues dans des revues françaises, Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université Paris-Diderot, présente des phénomènes qui «relèvent de notre vie quotidienne». Justement parce que nous les connaissons bien, «nous ne remarquons pas [toujours] leur étrangeté».

Avant-propos : L’auteur explique ce qu’étaient les cabinets de curiosités à la Renaissance et pourquoi il a utilisé cette analogie pour les sujets qu’il abordera dans ce livre. Dans les deux cas, «l’objet d’un tel cabinet est d’édifier l’esprit par l’exemple et d’ouvrir le regard aux marges de la réalité».

Curiosités de la vie quotidienne : L’auteur aborde ici :

  • les raisons de l’effet des réseaux sociaux sur notre humeur;
  • la nostalgie pour les jeux et jouets de notre enfance;
  • la crainte de l’automatisation des emplois et d’autres activités par l’intelligence artificielle;
  • différentes manifestations de l’effet papillon;
  • l’importance de la forme sphérique dans les jeux et les sports;
  • l’attrait de la fiction chez les êtres humains;
  • les accommodements raisonnables;
  • la violence des discussions sur Internet;
  • la quasi-obligation de réciprocité après avoir reçu un cadeau, un service ou même un sourire.

Curiosités de notre cerveau : L’auteur nous entretient cette fois :

  • de la baisse du temps de sommeil malgré la hausse du temps libre;
  • du système de justice parfois arbitraire en raison de biais cognitifs chez les juges;
  • de l’impact de la question posée sur le pourcentage de dons d’organes;
  • du biais de représentativité dans le taux de succès des petites écoles par rapport aux grandes;
  • de quelques exemples de biais de disponibilité, de biais rétrospectifs et de surestimation des probabilités composées;
  • d’énigmes basées sur la polysémie.

Curiosités de la vie politique : Dans ce chapitre, l’auteur nous parle :

  • des raisons pour lesquelles les politicien.nes (et bien d’autres personnages publics) utilisent autant la «langue de bois» dans un contexte de concurrence des commentaires entre les partis au pouvoir et ceux de l’opposition;
  • des limites du rire, de la liberté d’expression et du langage haineux;
  • de la vie personnelle des politicien.nes, de plus en plus exposée;
  • du populisme et du mensonge en politique;
  • de la politique post-factuelle, de la démagogie cognitive et de ses praticien.nes, dont Donald Trump et Beppe Grillo;
  • d’un insoumis qui n’aimait pas la France insoumise;
  • du biais du survivant en politique;
  • de la «peopolisation» de la politique.

Curiosités de la radicalité : C’est maintenant au tour :

  • de la frustration et du désir de célébrité de quelques terroristes;
  • des possibilités d’attaques terroristes profitant des changements technologiques;
  • du biais de négligence des taux de base dans les tests de détection de la radicalisation;
  • d’autres aspects du terrorisme.

Curiosités de la vie intellectuelle : L’auteur nous fait réfléchir sur :

  • des manifestations de l’économie de l’attention;
  • une polémique sur les motivations des personnes appuyant le mouvement Je suis Charlie;
  • des débats pas toujours édifiants entre la droite et la gauche;
  • un discours de Frédéric Lordon dans lequel celui-ci juge essentiel un certain conspirationnisme;
  • la volonté de certaines personnes de déboulonner les statues des personnages historiques racistes ou sexistes.

Curiosités de notre crédulité : Les textes de ce chapitre portent sur :

  • la forte diminution du nombre et de la proportion de miracles à Lourdes depuis qu’un comité vérifie les cas rapportés;
  • les raisons qui expliquent que certain.es chef.fes d’État consultent des astrologues ou des voyant.es;
  • les raisons qui peuvent expliquer que le nombre de photos d’ovnis a diminué depuis une cinquantaine d’années, alors que le nombre de photos prises est 100 fois plus élevé;
  • des exemples de paréidolie interprétés comme des manifestations religieuses ou autres;
  • la mauvaise évaluation des probabilités et la plus grande confiance en l’inaction qu’en l’action pour expliquer pourquoi tant de personnes refusent de faire vacciner leurs enfants;
  • les raisons qui expliquent le fait que les thèses conspirationnistes sont plus populaires chez les partisan.es des partis politiques perdants que chez ceux et celles des partis qui ont gagné;
  • deux autres exemples du manque de maîtrise des probabilités dans la population;
  • le paradoxe des évangélistes des États-Unis qui appuient la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël.

Curiosités de l’information : L’auteur :

  • démolit l’existence d’une supposée loi des séries, un biais cognitif «qui postule qu’un événement désastreux doit en entraîner d’autres, similaires, à sa suite»;
  • se désole que les médias français s’intéressent depuis quelques années à la vie privée des personnages politiques (comme à leurs infidélités), alors qu’ils ridiculisaient auparavant les médias des États-Unis qui le faisaient;
  • réfléchit sur les conséquences de la concurrence des informations sur Internet;
  • raconte l’origine des Illuminati, société dissoute il y a plus de 200 ans, et leur regain de popularité chez les conspirationnistes au gré des événements;
  • montre que le conspirationnisme se répand plus facilement grâce à Internet;
  • explique les raisons pour lesquelles les journaux accordent plus d’importance aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes;
  • souligne le grand nombre de décès dus à des maladies nosocomiales;
  • dénonce des techniques de prédiction farfelues;
  • aborde l’intérêt des internautes pour la vie privée des personnages publics;
  • présente d’autres exemples de fausses informations, et pas toutes conspirationnistes, puis de l’effet Streisand, «un phénomène médiatique au cours duquel la volonté d’empêcher la divulgation d’informations que l’on aimerait garder cachées (…) déclenche le résultat inverse», et finalement de la viscosité de certains milieux sociaux, dans lesquels l’information circule mal.

Curiosités de la planète Terre : L’auteur :

  • montre que les distinctions entre l’être humain et les autres animaux sont de plus en plus contestées;
  • critique quelques arguments des partisan.es de la décroissance;
  • explique que, contrairement à ce que bien des gens pensent, les villes ont en général un meilleur bilan écologique que les régions rurales;
  • décrit le passage des croyances surnaturelles (animisme, polythéisme, etc.) à la recherche scientifique sur les explications du fonctionnement de l’univers et ses conséquences (pas toutes positives);
  • nous parle du gaspillage alimentaire (il confond un peu le sens des données qu’il cite);
  • revient sur ses critiques de l’antispécisme (avec deux textes);
  • observe que l’utilisation du mot progrès est en baisse au rythme de l’augmentation de celle du mot innovation, alors que ces deux mots n’ont pas le même sens.

Curiosités de la vie scientifique : L’auteur :

  • avance une hypothèse pour expliquer que la plupart des extraterrestres des œuvres de fiction sont chauves;
  • cherche les critères qui caractérisent les grands classiques de la littérature et de la philosophie;
  • raconte quelques canulars académiques publiés par des revues spécialisées;
  • se désole des contestations de plus en plus nombreuses de la théorie de l’évolution (deux textes);
  • présente quelques manifestations de l’effet «blouse blanche», puis des études portant sur les caractéristiques des personnes selon leur signe astrologique.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Bof… Ce livre vient accentuer mes réticences envers les recueils de textes. Ceux de ce livre ne sont pas mauvais, mais les sujets s’éparpillent dans tous les sens et, bien sûr, aucun n’y est approfondi. Ce sont ceux portant sur les biais cognitifs que j’ai trouvés les plus intéressants, mais je connaissais pas mal tous ces biais et même les exemples utilisés pour les présenter. Je conseille bien plus les deux livres précédents que j’ai lus de cet auteur, soit L’empire de l’erreur et La démocratie des crédules (dont j’ai parlé dans ce billet). En plus, j’ai grimacé à quelques reprises devant les démonstrations pas toujours convaincantes de l’auteur, ce que je ne me souviens pas avoir fait en lisant ses livres précédents. Au moins, les notes sont en bas de pages!

3 commentaires leave one →
  1. Robert Lachance permalink
    24 avril 2019 13 h 24 min

    « des exemples de paréidolies interprétés comme des manifestations religieuses ou autres; »

    Bon, interprétés s’accorde avec exemples et non paréidolies; autrement, il manquait un e.

    J’ai découvert le mot il ya moins d’un ans mais il y a des années que je fais des photos paréidoliques; par exemple, (ne remarquer pas le non-ménage)

    https://laqueste.wordpress.com/2019/04/22/quelques-images-photos-pareidoliques/

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  2. 24 avril 2019 15 h 19 min

    «interprétés s’accorde avec exemples et non paréidolies»

    C’était bien l’intention de l’auteur. Je me suis d’ailleurs posé la question, mais ai jugé que ce sont les exemples donnés qui ont été interprétés comme des manifestations religieuses ou autres, pas le phénomène de paréidolie. En conséquence, pas de «e». Mais, un autre auteur aurait pu choisir l’autre possibilité.

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