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Éloge du magasin

1 juin 2020

Avec son livre Éloge du magasin – Contre l’amazonisation, le sociologue Vincent Chabault considère que, en dépit «de la digitalisation des courses, de la remise en cause de la distribution de masse et de l’apparition de nouvelles normes de consommation, le magasin demeure un lieu d’approvisionnement central». Il propose ici «une contribution originale au débat en mettant en évidence les fonctions symboliques et l’utilité sociale du magasin».

Introduction – Retail apocalypse : Le magasin est-il condamné face au succès du commerce électronique? Pas si vite, nous dit l’auteur. Son objectif avec ce livre est «d’apporter une contribution sociologique à la réflexion menée sur l’avenir des magasins» en se penchant sur leurs fonctions sociales et symboliques, notamment «à l’aide d’enquêtes de terrain».

1. Le marché du dimanche : appartenir au quartier : L’auteur présente des études qui expliquent l’attachement des Français.es pour les marchés publics et ainsi pourquoi ils ont survécus au développement des hypermarchés (rencontres, produits locaux, authenticité, bonne humeur, etc.).

2. Se battre en magasin lors du Black Friday : Même si certains commerçants ont tenté de l’importer en France, le Black Friday n’y crée pas du tout le même engouement qu’aux États-Unis, heureusement! Selon le résultat d’une étude, les manifestations de violence qui l’accompagne «annoncent le triomphe du capitalisme libéral et de l’individualisme».

3. Le centre commercial - se promener pour exister : Le centre commercial n’est pas qu’un lieu d’achat, mais aussi un lieu de vie sociale et de rencontres, aussi bien pour des personnes âgées que pour des immigrant.es et pour les autres personnes qui les fréquentent. La baisse de fréquentation de ces centres n’est pas seulement due à la popularité des achats sur Internet (en fait, l’auteur n’est pas très clair à ce sujet, rejetant cette raison, mais n’en proposant pas vraiment d’autres).

4. «Être au frais» - température et climatisation dans les magasins : L’auteur aborde ici le «rôle de l’ambiance et de l’atmosphère dans les décisions d’achat», c’est-à-dire des odeurs, des couleurs, de la température et des échanges verbaux et non verbaux avec les vendeur.euses.

5. «Approchez, approchez !» – Assister au spectacle fascinant des camelots : Les «démonstrateurs présents dans les foires ou sur les marchés» créent «un sentiment d’obligation de réciprocité chez le spectateur, influençant sa décision d’achat» (ah bon).

6. «Dans ces rayons, je n’existe pas» : «La consommation constitue l’un des moyens de trouver sa place dans la société», que ce soit pour se distinguer ou intégrer un groupe social. C’est ce qu’ont bien compris les coiffeur.euses et les concepteur.trices de mode et de cosmétiques.

7. Château-Rouge - quand le magasin structure la nostalgie du pays : Les commerces spécialisés dans les produits alimentaires venant d’autres pays attirent parfois des natif.ives cherchant des produits exotiques, mais encore plus des personnes originaires de ces pays, notamment parce que ces commerces sont aussi souvent au centre d’activités culturelles.

8. «Tout à deux euros» – Fouiller dans les bazars de Barbès : Ces bazars fonctionnent comme les commerces du chapitre précédent, mais vendent toutes sortes de produits à bas prix.

9. Le magasin, pour répondre à la demande de proximité : L’auteur présente les facteurs qui expliquent l’essoufflement du modèle des hypermarchés, dont «le retour en grâce du commerce de proximité», «qui repose sur l’accueil, le confort, le plaisir, le service et avant tout la confiance». Mais, les chaînes réagissent en tentant d’imiter ces commerces avec des offres originales et de meilleurs prix.

10. Avoir confiance en magasin : L’auteur raconte le succès d’une chaîne de magasins d’électroménagers en France (Darty), qui a su prospérer malgré la concurrence d’Internet.

11. Construire son identité vestimentaire dans une boutique de luxe : Ce chapitre présente la stratégie de LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) dans le secteur des produits de luxe.

12. Le commerce de station balnéaire - loin de Paris ? : La popularité de la station balnéaire Trouville-sur-Mer en Normandie peut sembler étrange, mais est le résultat d’un ensemble de caractéristiques particulières.

13. Sentir l’odeur des livres – La librairie contre Amazon : Malgré la concurrence d’Amazon, des grandes surfaces et des livres électroniques, les librairies n’ont pas disparu, même si leurs ventes ont baissé.

14. Acheter pour tuer l’ennui - le travel retail : Le «travel retail» est le commerce dans les zones enfermées dans les aéroports, d’où les voyageur.euses ne peuvent pas sortir après leur enregistrement. Ce commerce croît bien sûr en fonction de l’augmentation du nombre de personnes qui voyagent en avion. Disons qu’il serait étonnant qu’il connaisse une forte croissance cette année…

15. Étancher sa soif d’authenticité - la foire aux vins : Peu répandues ici, ces foires se déroulent un peu partout en France, même dans des supermarchés. Elles auraient un lien avec la recherche d’authenticité.

16. «Si, c’est marqué sur l’emballage !» – Lire pour choisir : L’auteur aborde ici l’art de ce qu’il appelle le «packaging»…

17. Être accueilli comme touriste étranger dans les Grands Magasins parisiens : Les grands magasins parisiens existent depuis longtemps, mais ils se distinguent aujourd’hui par une montée en gamme de l’offre et par l’internationalisation de leur clientèle.

18. Le vide-greniers de «son» quartier : L’auteur y va avec les caractéristiques des ventes de garage, ventes trottoir et marchés aux puces français.

19. Le Bon Coin, la rencontre après l’écran : L’auteur nous parle du «succès stupéfiant de la plateforme de petites annonces Le Bon Coin, ouverte en 2006» (le Kijiji français, j’imagine).

20. Le relais-colis - fréquenter un magasin pour des produits venus d’ailleurs : Les commandes par Internet sont souvent livrées dans des lieux où la personne qui a acheté un produit doit aller le chercher. Ce sont en France des relais-colis. Les livraisons et les déplacements pour aller chercher ces colis sont loin d’être anodins sur la congestion urbaine (j’ajouterais et sur les émissions de gaz à effet de serre).

21. Consommer moins, se distinguer plus - le magasin et la fin de l’accumulation : «Les réflexions sur l’avenir du magasin doivent évidemment être élaborées à la lumière des mutations technologiques, de l’essor de l’individu connecté et du développement du commerce en ligne. Mais il ne faut pas ignorer les évolutions des normes sociales encadrant la consommation». L’auteur examine les conséquences de ces facteurs sur la consommation et sur les magasins.

22. «Mon boucher», «mon fleuriste», «mon caviste» - fréquenter ses nouveaux commerçants : L’auteur aborde l’impact de l’embourgeoisement des quartiers sur les marchands et sur les caractéristiques des commerces qui s’y installent ou qui se transforment.

Conclusion – Le nouveau pouvoir du magasin : Certains magasins ont disparu et d’autres sont menacés. Mais ce sont ceux qui sont «ennuyeux, indifférenciés, insignifiants». Les magasins qui créent des liens, de la connivence et de la sociabilité, et qui «répondent au désir d’authenticité, d’intégration sociale, de distinction» sont au contraire bien vivants et ont l’avenir devant eux.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Bof, pas vraiment. Quand j’ai lu l’article que le Devoir a consacré à ce livre (qui m’a incité à me le procurer), je m’attendais à ce que l’auteur analyse de façon globale la concurrence entre les magasins traditionnels et l’achat sur Internet, notamment chez Amazon. En fait, ce livre parle très peu d’Amazon (l’auteur en parle plus dans l’entrevue qu’il a accordée au Devoir que dans son livre). Il contient 22 courts chapitres sur différents types de magasins qu’on trouve en France.

Si on peut bien sûr voir certaines similitudes entre ce que décrit l’auteur et ce qui se passe au Québec, je me suis quand même senti perdu dans une grande partie de ce livre, n’ayant jamais entendu parler de la majorité des bannières et même de certains types de commerce dont il parle. Cela dit, il est intéressant de souligner le rôle social des magasins de proximité (que j’aime bien moi aussi), mais l’auteur parle très peu du caractère impersonnel des grandes chaînes (et pas du tout de l’exploitation des employé.es qui y travaillent) et ne critique à peu près jamais l’incitation à la surconsommation des stratégies qu’il présente. Il ne mentionne en plus jamais l’impact sur l’environnement et sur les émissions de gaz à effet de serre des tendances qu’il analyse. Quant aux magasins de luxe, je ne ressens nullement son enthousiasme, n’y ayant de mémoire jamais mis les pieds et ne voyant pas du tout positivement leur rôle social.

Comme je l’ai lu en format électronique, je n’ai pas vraiment bénéficié du fait que les notes soient en bas de pages, ce que j’ai constaté dans cet extrait du livre. C’est au moins ça!

2 commentaires leave one →
  1. 1 juin 2020 10 h 50 min

    «Lire ou ne pas lire? Bof, pas vraiment.»

    Dommage, c’est un sujet sur lequel on est plusieurs à se questionner ces temps-ci.

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  2. 1 juin 2020 12 h 10 min

    Tout à fait. J’ai été grandement déçu, d’autant plus que l’entrevue que l’auteur a accordée au Devoir aborde certains points importants absents du livre, comme les conditions de travail chez Amazon, le niveau de consommation et autres. Au contraire, il vante dans le livre des techniques et stratégies qui font consommer davantage.

    J’aime

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