Aller au contenu principal

Brève histoire de la gauche politique au Québec

16 novembre 2020

Brève histoire de la gauche politique au QuébecAvec son livre Brève histoire de la gauche politique au Québec – De l’action politique ouvrière à Québec Solidaire, François Saillant «raconte les diverses expériences d’organisations de gauche ayant investi le terrain électoral et parlementaire pour «porter la cause des travailleurs et travailleuses sur la scène politique en vue de la construction d’une société plus juste, égalitaire et socialiste dans le sens large du terme», en lien constant avec les mouvements ayant lutté contre la pauvreté ou les changements climatiques».

Préface – La pièce manquante : Alexandre Leduc a beaucoup appris de la lecture de ce livre et regrette qu’aucun livre n’ait porté sur ce sujet (l’histoire des partis de gauche au Québec) auparavant.

Avant-propos – La gauche a une histoire : C’est l’élection de 10 député.es de Québec solidaire en octobre 2018 qui a donné l’idée à l’auteur d’écrire ce livre et c’est en l’écrivant qu’il a décidé de se concentrer sur la gauche politique qui se présente à des élections. Il explique ensuite l’origine et le sens politique de la droite et de la gauche, puis présente les sources qu’il a utilisées pour ce livre.

1. L’action politique ouvrière (1880-1920) : Les premiers candidats de gauche à des élections, appuyés par des syndicats, se présentèrent à une élection provinciale en 1886. Le premier candidat québécois de gauche élu le fut aux élections fédérales de 1888, et le deuxième aux élections provinciales en 1890. Les candidatures de représentants des travailleurs se poursuivirent, avec quelques réussites. Le premier parti socialiste a aussi été créé à l’époque, mais il boycottait les élections.

2. À contre-courant (1921-1959) : L’auteur présente le contexte politique mondial de cette période et son influence sur le Québec et le Canada. Le Parti communiste du Canada a été fondé en 1921, et a présenté un candidat au Québec en 1926 et quelques autres par la suite, avec un seul élu (Fred Rose, en 1943 et en 1945, sous le nom du Parti ouvrier progressiste). Ce parti fit face au harcèlement policier et aux lois anticommunistes (Fred Rose a été emprisonné en 1946, reconnu coupable d’espionnage).

La Co-operative Commonwealth Federation (CCF), qui deviendra en 1961 le Nouveau Parti démocratique (NPD), a été formée en 1932, mais n’a connu aucun succès au Québec sur la scène fédérale, faisant quand même élire un candidat sur la scène provinciale en 1944 (qui quittera la CCF en 1945). Le Bloc populaire, créé en 1942, a fait élire quatre candidats en 1944, avant de se dissoudre en 1947.

3. La question nationale s’invite à gauche (1960-1969) : Après avoir présenté le contexte politique mondial et québécois (dont celui entourant la Révolution tranquille), l’auteur se penche sur la création de divers mouvements indépendantistes et socialistes au début des années 1960, dont le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) qui est devenu un parti politique en 1963. Il a présenté 73 candidat.es en 1966, mais n’en a fait élire aucun, même s’il a reçu 5,6 % des votes exprimés.

Parallèlement à la fondation du NPD au niveau fédéral, le Parti socialiste du Québec (PSQ) a été fondé en 1963 au niveau provincial, mais fut dissous en 1968 après cinq années assez tumultueuses marquées par de nombreuses dissensions et par la présentation de cinq candidats en 1966 qui ont récolté au plus 1,0 % des votes exprimés.

René Lévesque a quitté le Parti libéral du Québec (PLQ) en 1967 pour fonder le Mouvement souveraineté-association (MSA) qui est devenu le Parti québécois (PQ) en 1968, auquel s’est joint le Ralliement national (RN), parti de droite (à tendance créditiste) ayant récolté 3,2 % des votes exprimés en 1966, mais pas le RIN qui s’est dissous deux semaines après la création du PQ pour laisser ses membres intéressé.es s’y joindre. Si la création du PQ a mis un terme temporairement à la présence de partis de gauche au niveau national, des partis, comme le Front d’action politique (FRAP) entrèrent sur la scène politique au niveau municipal et les mouvements sociaux se sont multipliés.

4. Quelle place pour la gauche indépendantiste ? (1970-1979) : Cette décennie s’est ouverte avec la Crise d’octobre qui a éclaté à la suite de l’enlèvement de James Richard Cross et de Pierre Laporte (puis de son meurtre) par le Front de libération du Québec (FLQ) et s’est envenimée avec l’adoption de la Loi des mesures de guerre par le gouvernement fédéral qui entraîna l’emprisonnement de près de 500 personnes. Cette crise a nui au FRAP qui n’a fait élire aucun.e candidat.e à l’élection municipale de 1970, tout en récoltant plus de 15,6 % des votes exprimés Il a d’ailleurs mis fin à ses activités en 1974.

Ces événements n’ont pas empêché le développement du mouvement féministe ni la création de groupes marxistes-léninistes et trotskystes, dont En lutte! en 1972 et la Ligue communiste (marxiste-léniniste) du Canada (LC(ml)C) en 1975 (devenu le Parti communiste ouvrier, ou PCO en 1979) qui a présenté des candidats à deux élections avec des résultats lilliputiens. Malgré l’adoption de plusieurs lois sociales progressistes lors du premier mandat du PQ commencé en 1976, une bonne partie de la gauche s’en méfiait et s’en tenait loin, tout comme elle n’adhérait pas aux idées et au fonctionnement des groupes marxistes-léninistes et trotskystes, préférant militer dans des organismes communautaires ou dans des partis municipaux comme le Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM) qui a formé l’opposition officielle de 1974 à 1978 avant de prendre le pouvoir de 1986 à 1994 (en virant au centre).

5. Les années difficiles (1980-1989) : Cette décennie a connu à ses débuts une récession importante qui a porté le taux de chômage au Québec à plus de 14 % en 1982 et les taux d’intérêt hypothécaires à plus de 20 %. C’est aussi la décennie qui a ouvert la porte au néolibéralisme. À gauche, on a assisté à la désillusion face aux régimes dits communistes et au virage à droite de bien des États sociaux-démocrates. Au Québec, après sa défaite décisive au référendum de 1980, le PQ semblait désorienté, notamment en adoptant le «beau risque», qui visait à tenter de négocier un fédéralisme renouvelé en appuyant en 1984 le parti conservateur de Brian Mulroney, décision qui a entraîné le départ de nombreux ministres, député.es et membres. Son virage à droite s’est aussi manifesté dans les relations du gouvernement péquiste avec les employé.es de l’État, leur imposant en 1983 des baisses salariales qui ne sont toujours pas compensées de nos jours. Les syndicats et les mouvements de gauche subirent aussi durement le climat de l’époque.

Le mouvement communautaire s’en est mieux tiré, notamment les groupes féministes, mais pas le mouvement marxiste-léniniste et trotskyste qui s’est effondré. Ce vide a été comblé par le Mouvement socialiste, créé en 1982, mais touché par des démissions dès 1983. Affaibli, il a quand même présenté 10 candidat.es aux élections de 1985 et de 1989, recevant un nombre minime de votes avant de dissoudre en 1992. L’auteur présente aussi la création du Rassemblement pour le socialisme (RPS) en 1978, ses activités et sa dissolution en 1985.

6. Repartir de zéro, ou presque (1990-2000) : Après l’habituelle présentation du contexte politique mondial, soulignant que «le capitalisme est alors triomphant», l’auteur s’attarde sur le contexte québécois, notamment sur la récession du début des années 1990, sur la création du Bloc québécois, sur la crise d’Oka et sur le référendum de 1995. C’est aussi en 1995 qu’a eu lieu la marche Du pain et des roses organisée par la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Quelques semaines après sa défaite au référendum, le gouvernement du PQ de Lucien Bouchard a annoncé d’importantes compressions à l’aide sociale et son objectif du déficit zéro. Il a ensuite organisé une conférence pour établir les moyens pour atteindre cet objectif de déficit zéro, de laquelle les organismes communautaires se sont rapidement retirés face à l’intransigeance du gouvernement qui refusait de garantir aussi l’appauvrissement zéro.

Affaiblis à la fin des années 1980, certains partis de gauche sont disparus de la scène politique dans les années 1990. Après maintes péripéties, le Parti de la démocratie socialiste (PDS) a été créé des cendres du NPD-Québec en 1995. Il n’a obtenu que des miettes lors de l’élection de 1998 (0,6 % des votes exprimés, avec pourtant 97 candidat.es), bien moins que ce qu’obtenait le NPD-Québec, mais est demeuré très actif dans ses actions dans la communauté. Le Regroupement pour l’alternative politique (RAP) a de son côté été créé en 1997. Il n’a présenté que sept candidats (que des hommes, en fait inscrits comme indépendants) à l’élection de 1998. Seul Michel Chartrand a obtenu des résultats satisfaisants (14,8 %, dans Jonquière). Le RAP est devenu un parti officiel en 2000 sous le nom Rassemblement pour l’alternative progressiste.

7. Une grande soif d’unité (2001-2005) : Les manifestations altermondialistes se sont à l’époque multipliées, d’abord à Seattle en 1999, mais ensuite à Québec en 2001 dans le cadre du Sommet des Amériques qui visait à former une Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). La Marche mondiale des femmes en 2000 a été un nouveau succès pour la FFQ. D’autres initiatives, notamment dans la lutte contre la pauvreté, ont illustré le réveil de la gauche québécoise. Les attentats du 11 septembre 2001 et la lutte des États-Unis contre le terrorisme par la suite se sont toutefois traduits par une plus grande méfiance, même au Québec, envers les musulman.es et l’immigration.

Un an après le succès de Paul Cliche qui a obtenu 24 % des votes exprimés dans une élection partielle en 2001 comme candidat indépendant appuyé en fait par ce qui allait devenir l’Union des forces progressistes (UFP) et par les mouvements communautaire et syndical, l’UFP a été créée officiellement en réunissant les membres du PDS, du RAP et du Parti communiste du Québec (PCQ), ainsi que d’autres militant.es progressistes. Il a présenté 74 candidat.es à l’élection de 2003, mais n’a récolté que 1,0 % des votes exprimés, mais près de 18 % dans Mercier avec Amir Khadir, résultats jugés quand même satisfaisants. L’UFP a obtenu d’autres résultats encourageants lors de quatre élections partielles tenues en 2004 (5 % et 8 %) et en 2005 (3 % et 7 %). D’autres militant.es, dont une forte proportion venait du mouvement communautaire, ont fondé avec Françoise David le mouvement D’abord solidaires en 2003, qui est devenu le parti Option citoyenne en 2004. Après de nombreuses rencontres visant à établir une vision commune, les deux partis ont fusionné en 2006 devant près 1000 militant.es et ont adopté une déclaration de principe ainsi que le nom de Québec solidaire (QS), nom choisi en fonction du débat entrepris en 2005 entre les signataires des manifestes Pour un Québec lucide et Pour un Québec solidaire.

8. Québec solidaire à l’épreuve du temps (2006-2020) : L’arrivée au pouvoir de Steven Harper à Ottawa en 2006 et la présence de Jean Charest au Québec un an après une grève étudiante importante ont pavé la voie à l’entrée en scène de QS aux élections de 2007. Mais, QS avait présenté avant cela trois candidates à des élections partielles en 2006. Manon Massé avait récolté 22 % des votes exprimés, Dominique Ritchot 8 % et Manon Blanchard 7 %. Aux élections de 2007, QS a présenté 123 candidat.es et a obtenu 3,4 % des votes exprimés. Cela était moins qu’espéré (4 %), mais entre trois et quatre fois plus que le résultat de l’UFP en 2003. Comme le gouvernement élu (PLQ) était minoritaire, une autre élection a été déclenchée en 2008. QS a cette fois récolté 3,8 % des votes exprimés, une hausse, certes, mais moins que les 5 % visés. À la surprise (presque) générale, il a quand même fait élire son premier député, Amir Khadir dans Mercier (ma première victoire à une élection depuis longtemps!).

Ayant cette fois quatre ans pour se consolider, QS a eu le temps de raffermir son organisation, d’autant plus que la performance d’Amir Khadir à l’Assemblée nationale en a fait un temps le politicien le plus populaire au Québec. La grève étudiante de 2012 a aussi permis de sensibiliser davantage la population aux questions sociales. Avec 6,0 % des votes exprimés, QS a doublé sa députation en 2012 avec l’élection de Françoise David, qui est devenue, elle aussi pour un temps, la politicienne la plus populaire du Québec. En 2014, QS a obtenu 7,6 % des votes exprimés et fait élire une troisième députée, Manon Massé. Les quatre années suivantes furent marquées par le retrait de la vie politique de Françoise David pour des questions de santé, par l’élection de Gabriel Nadeau-Dubois dans une élection partielle en 2017, par la décision d’Amir Khadir de ne pas de représenter en 2018, par l’élection de Gabriel Nadeau-Dubois et de Manon Massé comme porte-parole du parti, par le refus de tout pacte électoral avec le PQ lors du congrès de mai 2017 et par l’intégration à QS d’Option nationale (ON) et de la majorité de ses membres à la fin de l’année. Les résultats de l’élection de 2018 ont dépassé les attentes : 16,1 % des votes exprimés, 10 député.es dont quatre hors de la région de Montréal et plus de 20 000 membres.

Conclusion – Les raisons d’un succès… encore incomplet : L’auteur présente les facteurs qui ont permis à QS d’obtenir des succès électoraux, alors que les formations politiques de gauche en ont eu peu auparavant. Cette analyse est pertinente et intéressante, mais je vous laisse le plaisir de la découvrir!

Postface – Et l’avenir ? : L’auteur analyse les perspectives de QS, aussi bien du côté de sa croissance que des écueils qui y sont associés. Je vous laisse encore une fois le plaisir d’en prendre connaissance. Chose certaine, c’est en se basant sur ce qui le distingue que QS pourra espérer faire avancer ses idées et, qui sait, prendre un jour le pouvoir.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! Je connais bien l’auteur et sa rigueur, mais je ne m’attendais pas à un contenu aussi dense et exhaustif! Je croyais que, comme j’ai vécu une partie de cette histoire et que j’ai lu plusieurs livres sur le sujet, notamment Un militant qui n’a jamais lâché de Paul Cliche (qui est cité par l’auteur et dont on peut lire ma présentation sur ce billet), je n’y apprendrais pas grand-chose. Grossière erreur! Si, de fait, je connaissais bien quelques éléments contenus dans ce livre, j’en ai appris beaucoup. En plus, ce livre est bien structuré et le style de l’auteur agréable à lire. On y retrouve aussi de nombreuses photos qui agrémentent la lecture. Mais, c’est surtout sa profondeur qui nous permet de suivre cette brève histoire avec intérêt. Même si l’allégeance de l’auteur est bien connue, il n’hésite pas à aborder des événements qui n’y correspondent pas nécessairement. Autre qualité, les notes, surtout des références, mais aussi de nombreux compléments d’information, sont en bas de page.

No comments yet

Laisser un commentaire