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Les effets d’une augmentation du salaire minimum

26 mars 2016

facteurs_salaire_minimumLes études sur les impacts d’une hausse du salaire minimum se multiplient aux États-Unis. Cela n’est sûrement pas étranger aux campagnes pour porter ce salaire à 15,00 $ de l’heure, campagne qu’appuie notamment Bernie Sanders, candidat démocrate à la présidence. Si j’ai eu l’idée de présenter l’étude intitulée The Effects of a $15 Minimum Wage in New York State (Les effets d’un salaire minimum de 15 $ dans l’État de New York) de Michael Reich, Sylvia Allegretto, Ken Jacobs et Claire Montialoux, ce n’est pas en premier lieu en raison de ses conclusions (quoique je vais quand même en parler), mais plutôt en raison de la pertinence des facteurs, positifs comme négatifs, que cette étude a analysés pour déterminer les conséquences d’une telle hausse.

Le contexte

Les auteur.e.s, qui proviennent tous et toutes de l’Institute for Research on Labor and Employment (IRLE) de l’University of California at Berkeley (institut qui a aussi produit une autre excellente étude sur le sujet dont j’ai parlé dans ce billet), ont cru bon de produire cette étude en raison de l’annonce du gouverneur de l’État de New York Andrew Cuomo de rehausser à 15,00 $ de l’heure le salaire minimum pour la ville de New York d’ici 2019  (un peu moins de 14,00 $ en tenant compte de l’inflation) et d’ici 2021 pour le reste de cet état (un peu moins de 13,00 $).

facteurs_salaire_minimum1Le graphique ci-contre explique bien le contexte dans lequel cette hausse a été adoptée. Entre 2010 et 2014, seuls les salarié.e.s des déciles supérieurs ont bénéficié d’une hausse réelle (en tenant compte de l’inflation) de leur salaire, tandis que 60 % des salarié.e.s, soit ceux des déciles inférieurs, ont plutôt connu une baisse. Pire, les 20 % qui touchent le moins ont subi une baisse de leur salaire réel depuis 35 ans.

Les auteur.e.s précisent qu’à peine 5 % des bénéficiaires de cette hausse du salaire minimum seraient des adolescents («teens») et que 37 % des salarié.e.s de cet état en bénéficieraient. Notons que les auteur.e.s incluent dans ce 37 % les personnes touchant un peu plus de 15,00 $ qui verraient aussi leurs salaires augmenter pour conserver un écart positif sur le salaire minimum.

L’étude présente par la suite des propositions de hausses du salaire minimum dans d’autres états, une revue de la littérature sur les effets potentiels d’une telle hausse, les industries qui seraient les plus touchées (la restauration arrivant au premier rang à égalité avec les services personnels) et la part de la masse salariale par industrie. Même si tout cela est bien intéressant, notamment parce que cela montre qu’on surestime souvent les effets d’une hausse du salaire minimum sur les dépenses des entreprises, je vais passer outre à ces sections de l’étude pour en arriver à l’objet de ce billet.

Les facteurs

L’image qui accompagne ce billet illustre le modèle suivi par les auteur.e.s. Même si on ne la voit pas très bien (cette image est plus grosse à la page 3 de l’étude), elle montre en un seul coup d’oeil les facteurs avantageux et désavantageux d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi. Je vais ici les présenter.

L’automatisation : L’effet de l’automatisation (y compris de la mécanisation et de l’informatisation) sur l’emploi varie en fonction du secteur et de la possibilité de remplacer des salarié.e.s par des machines (ce qu’on appelle l’élasticité de substitution entre le capital et le travail). Les études sur les emplois à bas salaires montrent que l’automatisation fait diminuer le nombre d’emplois routiniers (comme les caissiers), mais fait au contraire augmenter le nombre d’emplois non routiniers (comme les cuisiniers).

Par ailleurs, comme les principales technologies pouvant remplacer des salarié.e.s à bas salaire ont déjà été implantés au cours des dernières décennies (par exemple dans les banques, les aéroports et le commerce de détail), les auteur.e.s estiment qu’une hausse du salaire minimum ne pourrait générer qu’une faible augmentation de l’adoption de telles technologies. Se basant sur diverses études, les auteur.e.s estiment que l’élasticité de substitution entre le capital et le travail se situerait autour de 0,2, ce qui signifie qu’une hausse de 10 % du salaire minimum ferait diminuer l’emploi de 0,2 % en raison de la plus grande utilisation de technologies de remplacement du travail.

Vol des salaires : Des études montrent qu’une hausse du salaire minimum ne fait ni augmenter ni réduire la fréquence et l’ampleur du vol des salaires (payer moins d’heures que celles travaillées; voir ce billet pour en savoir plus sur ce phénomène).

Effets sur le roulement de personnel : Le taux de roulement de personnel est plus de deux fois plus élevé dans les emplois au salaire minimum (environ 70 % par année) que dans les emplois mieux rémunérés (30 %). Des études ont estimé qu’une hausse de 10 % du salaire minimum fait diminuer le taux roulement de 2,1 % dans la restauration. Or, le roulement de personnel est très coûteux pour les employeurs (activités d’embauche et de formation, accompagnement des nouveaux salarié.e.s, productivité réduite, etc.). En se basant sur de nombreuses études portant sur cette question, les auteur.e.s estiment que la baisse du roulement compenserait environ 13,4 % du coût de la hausse du salaire minimum proposée.

Salaire d’efficience : De nombreuses études ont conclu que la productivité des salarié.e.s augmente lorsque le salaire est plus élevé (meilleure performance, moins d’absentéisme, meilleur moral, moins de plaintes des clients, plus d’efforts, plus grand sentiment d’appartenance, etc.). Toujours en se basant sur des études sur le sujet, les auteur.e.s estiment que la hausse du salaire minimum ferait augmenter la productivité de 0,5 %.

Effets sur les prix et sur la demande : Comme la hausse du salaire minimum toucherait toutes les entreprises de toutes les industries, cette hausse n’aurait pas d’impact sur la compétitivité des entreprises entre elles. Par ailleurs, la hausse des prix ferait diminuer la demande, mais la hausse des salaires la ferait augmenter (les salarié.e.s disposant d’un pouvoir d’achat plus élevé).

La méthode utilisée par les auteur.e.s pour estimer l’ampleur de ces deux effets opposés serait assez longue à présenter (d’autant plus que l’étude n’en parle pas en détail, citant plutôt une autre étude qui l’explique). Disons seulement qu’elle tient compte de très nombreux facteurs, notamment des taxes salariales, des profits des entreprises, du remboursement de dettes par les salarié.e.s et de la baisse des dépenses de programmes sociaux (due à la hausse des revenus des salarié.e.s). Les auteur.e.s en arrivent à la conclusion que la hausse de la demande due à l’augmentation du pouvoir d’achat des salarié.e.s serait près de trois fois plus élevée que la baisse de la demande due à l’augmentation des prix (14,4 milliards $ par rapport à 5,3 milliards $ en 2021, à la fin de la période de la hausse du salaire minimum).

Effets globaux : En compilant les effets positifs et négatifs des facteurs mentionnés dans leur étude, les auteur.e.s estiment que la hausse à 15,00 $ de l’heure du salaire minimum dans l’État de New-York entraînerait une hausse de 600 emplois par année (donc de 3000 au total en 2021), soit une croissance cumulative de 0,04 %, effet minime surtout si on la compare à la prévision de croissance de l’emploi du New York State Labor Department (ministère du Travail de l’État de New York), soit de 1,37 % par année. L’impact monétaire et sur l’emploi de chacun des facteurs est illustré au tableau 8 à la page 31 de l’étude.

Et alors…

Je le répète, les calculs des auteur.e.s sont loin d’être ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans cette étude. Ces calculs reposent en effet sur une foule d’hypothèses et d’études qui n’ont en fait jamais observé une hausse aussi forte du salaire minimum (hausse de 80 %, de 9,00 $ de l’heure en 2015 à 16,25 $ en 2021, ou de 55 % en dollars constants, soit de 9,00 $ de l’heure à 13,98 $) touchant une proportion aussi élevée de salarié.e.s (37 %). Malgré la rigueur et la prudence des méthodes utilisées dans cette étude, on peut s’interroger sur la précision de ses résultats.

Par contre, la présentation et l’analyse des facteurs pouvant expliquer les effets d’une hausse du salaire minimum m’ont impressionné, parce qu’elles sont approfondies et que les effets potentiels sont bien expliqués. Même si on peut avoir des doutes sur les résultats précis des estimations de ces effets, cet exercice permet quand même de se faire une idée sur l’ordre de grandeur des effets de chacun de ces facteurs. Par exemple, on voit que l’estimation de l’effet positif sur la demande de la hausse du pouvoir d’achat des salarié.e.s, un facteur souvent sous-estimé dans ce genre d’étude, est beaucoup plus élevé que l’effet négatif de la hausse des prix, facteur toujours souligné à double trait.

Bref, cette étude représente une contribution importante qui s’ajoute à celles de bien d’autres études qui concluent qu’une forte hausse du salaire minimum ne serait nullement désastreuse pour l’emploi et la croissance, tout en améliorant le sort des salarié.e.s les plus pauvres et en réduisant les inégalités. Et ça, c’est beaucoup!

15 commentaires leave one →
  1. 26 mars 2016 9 h 08 min

    Le 1er avril 2015, le salaire minimum de la ville de Seattle est passé de $9.32 (soit le niveau de l’état de Washington) à $10 ou $11 dépendamment de l’employeur, comparativement à $7.25 au niveau fédéral. Des augmentations supplémentaires ont pris effet le 1er janvier 2016 à $12, $12.50 et $13, et se poursuivront jusqu’à atteindre $15 en 2018.

    Depuis le 1er avril 2015, le taux de chômage de la ville a augmenté de plus de 1%, tandis que l’emploi a continué de s’améliorer dans les banlieues de Seattle
    (où ces augmentations ne s’appliquent pas) et à travers le pays.

    Il est clair que les hausses du salaire minimum detruisent les emplois.

    Voir le dernier graphique de ce billet:

    https://www.aei.org/publication/early-evidence-suggests-that-seattles-radical-experiment-might-be-a-model-for-the-rest-of-the-nation-not-to-follow/

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  2. 26 mars 2016 12 h 41 min

    Tout dépend des sources qu’on utilise, ou plutôt du choix des territoires! Le texte qui suit est une réplique à celui que vous citez. Disons qu’il ne raconte pas la même histoire! Les graphiques de ce texte, provenant pourtant de la même source, donnent un portrait bien différent…

    http://ritholtz.com/2016/02/157443/

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  3. 27 mars 2016 9 h 26 min

    D’accord que les donnees sont encore insuffisantes pour etre statistiquement significatives, mais la tendance est tout de meme inquietante.

    D’ailleurs, je ne suis pas surpris que les autres villes de l’etat de Washington eprouvent des difficultes au niveau de l’emploi, puisque c’est l’etat ayant le salaire minimum le plus eleve et augmentant le plus rapidement.

    De plus, les 5 autres villes qui ont adopte un salaire minimum plus eleve que celui de leur etat ou federal ont vu leur emploi dans les services de restauration et hotelier s’affaiblir (Chicago, Los Angeles, WashingtonDC, San Francisco, Oakland).

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  4. 27 mars 2016 11 h 09 min

    «je ne suis pas surpris que les autres villes de l’etat de Washington eprouvent des difficultes au niveau de l’emploi»

    Je demeure toujours ébahi devant les personnes qui prétendent pouvoir analyser des phénomènes complexes à l’aide d’un seul facteur. Personnellement, je ne connais pas assez cette région pour me prononcer. Et, connaissant bien les marges d’erreur des données sur l’emploi (ces marges sont encore plus élevées aux États-Unis), je crois plus sage de suivre le conseil de Barry Ritholtz : « it will take years to assess the impact of Seattle’s experiment». Ah oui, je viens de voir que les données de cette région viennent d’être mises à jour :

    http://ritholtz.com/2016/03/158565/

    Je pourrais associer la remontée de l’emploi à la hausse du salaire minimum, mais, je préfère m’abstenir.

    «De plus, les 5 autres villes qui ont adopte un salaire minimum plus eleve que celui de leur etat ou federal»

    Et San Jose ?

    Les effets d’une hausse locale du salaire minimum sur l’emploi et les prix

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  5. benton65 permalink
    28 mars 2016 23 h 44 min

    S’il y a une chose que l’augmentation du salaire minimun tue, ce n’est certe pas l’emploi mais l’exploitation des employés….

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  6. Yves permalink
    31 mars 2016 21 h 37 min

    Malheureusement elle ne tue pas l’exploitation des employés Benton, elle la rend légèrement plus douce.

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  7. Richard Langelier permalink
    1 avril 2016 0 h 18 min

    @ Benton et Yves

    Je rappelle une platitude: il n’y a aucune mesure sociale qui est une panacée. L’augmentation du salaire minimum est un outil à compléter par des politiques d’emploi, une amélioration du filet de sécurité sociale, etc.

    Par ailleurs, l’économie de marché issue des pores de la société féodale aurait pu fonctionner sans aboutir à un but d’accumulation sans fin, particulièrement avec le capital financier (cf Braudel, Polanyi, Freitag https://www.ababord.org/La-nature-liberticide-de-la ).
    Le hic, c’est que même en proposant d’améliorer l’outil salaire minimum, nous passons pour des pelleteux de nuages.

    Et pendant ce temps-là…
    Le sujet de l’heure devient: la droite québécoise doit-elle se rassembler pour renverser le gouvernement Couillard, rapport que Marc-Yvan Côté et Sam Hamad,,,? Duplessis vs Taschereau? Fort heureusement, j’entends la musique maintenant grâce à une quincaillerie de 35 000$ que la RAMQ m’a payée (plus les honoraires de l’anesthésiste, de l’ORL, de tout le personnel, avant et après). Je ferai une demande personnelle à Darwin de me faire une liste de liens Youtube de vieux metal jusqu’à celui d’aujourd’hui. L’esthétique me fera oublier l’éthique et je dormirai sur mes deux oreilles.

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  8. 1 avril 2016 6 h 15 min

    «même en proposant d’améliorer l’outil salaire minimum, nous passons pour des pelleteux de nuages»

    Peut-être moins depuis la décision des états de NewYork et de Californie d’aller dans ce sens…

    « j’entends la musique maintenant »

    Wow, bonne nouvelle!

    «Je ferai une demande personnelle à Darwin de me faire une liste de liens Youtube de vieux metal jusqu’à celui d’aujourd’hui»

    OK, mais va falloir être un peu plus précis!

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  9. Richard Langelier permalink
    1 avril 2016 17 h 09 min

    «OK va falloir être plus précis»
    Foglia était allé chez «Sam the record man». À l’étage de la musique classique, une vendeuse étudiante au Conservatoire, lui avait raconté qu’un client lui avait dit: «J’ai acheté Les canons de Pachelbel, avez-vous des disques semblables?» À bien y penser, je préfère mourir dans l’ignorance, comme l’ont fait les personnes qui avaient mon âge aujourd’hui lorsque les Beatles ont lancé Sgt Peppers’… J’ai trop de belles choses à savourer. En commentaire à un statut d’une amie facebookienne, j’ai abordé le thème de l’andropause. Pour éviter de passer pour un macho, j’ai laissé la parole au poète: «Ils ont vendu l’amour bandé pour de la tendresse». J’ai réécouté «J’ai dormi dans mon char». Quand j’avais acheté «Tu m’aimes-tu?» puis «Les derniers humains», je suppose que j’avais une surdité sévère à gauche et profonde à droite. Wow! La voix de Richard Desjardins! Je me suis rappelé que j’avais écrit sur Jeanne Émard (oups, il n’y a pas d’accent, Eve-Lyne Couturier a dû subir cette influence. Simon n’a pas le choix, c’est son nom) que j’avais entendu, en qu’part pour parler comme Denise Bombardier, Richard Desjardins chanter: «God bless America, que Dieu te blesse». Koval m’avait rappelé que c’était dans «Les derniers humains». Bref, Darwin, choisis donc une seule pièce de Heavy Metal, que tu me feras écouter sur mon grabat.

    Je radote, mais la quincaillerie que j’ai dans la tête et à l’extérieur a coûté 35 000$. Si j’étais Étasunien, je serais peut-être sur l’Obamacare ou client d’une assurance privée. Dans ce cas, mes primes d’assurance seraient salées puisque j’ai des antécédents familiaux. Qui plus est, ma compagnie d’assurance aurait pu refuser de couvrir les frais de l’intervention sous prétexte que je n’avais pas dit qu’une cousine souffrait d’oto-sclérose. Aujourd’hui, Sanders passe pour un radical parce qu’il propose un régime d’assurance-maladie public. Qui plus est, d’aucuns le comparent à Trump en tant que populiste. Démoralisant!

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  10. 4 avril 2016 14 h 38 min

    @Darwin

    Méta-analyse très intéressante sur le sujet:

    http://www.economist.com/blogs/buttonwood/2016/04/minimum-wages

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  11. 4 avril 2016 14 h 51 min

    Pas inintéressant, mais un peu court! De plus, la confusion entre le «salaire viable» (living wages) et le salaire minimum, deux concepts différents, m’a donné une mauvaise impression de l’article. Peut-être que le gouvernement britannique a récupéré ce terme à la mode pour l’utiliser dans le sens du salaire minimum…

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  12. 4 avril 2016 16 h 21 min

    En plus, en donnant les caractéristiques des familles où vivent les gens au salaire minimum (ou gagnant moins!), on omet les personnes qui bénéficieraient d’une hausse.

    «44.6%—or nearly half, most of whom were probably teenagers»

    Or, l’étude citée dans ce billet estime que seulement 5 % des personnes touchées par cette hausse seraient des ados (teenagers). Cela montre la grande différence entre les caractéristiques des personnes qui touchent le salaire minimum (ou moins) et celles des personnes qui bénéficieraient d’une hausse.

    «52% of families below the poverty line had no labour income»

    Cela signifie en corollaire que 48 % des familles pauvres ont un revenu d’emploi.

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  13. 8 août 2016 13 h 09 min

    À lire sur ce sujet, une étude de l’université de Washington sur le cas de Seattle:

    http://tinyurl.com/grrb44q

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  14. 8 août 2016 13 h 32 min

    Trop drôle, j’ai commencé hier à écrire un billet sur cette étude (oui, même si elle n’est pas trop positive sur cette hausse)… Il devrait paraître mercredi ou jeudi.

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