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Trouve-toi une job!

14 novembre 2022

Trouve-toi une jobPour publier le livre Trouve-toi une job! – Petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage, le Mouvement action-chômage (MAC) de Montréal «a exhumé des milliers de documents de ses archives, témoins des luttes ouvrières et populaires contre la pauvreté des travailleur.euses. Le portrait qui en ressort conjugue habilement l’histoire, peu connue, de la vie démocratique qui a animé ce groupe communautaire à celle, plus large, des politiques sociales au Canada, qui ont évolué du keynésianisme au néolibéralisme au cours des dernières décennies».

Préface – Le droit à la dignité : Aurélie Lanctôt explique que la pandémie a bien montré les lacunes de notre filet social, notamment de l’assurance-emploi, et la nécessité de le réparer.

Introduction – Pour une histoire populaire des chômeur.euses : Les auteur.es de ce livre visent à raconter l’histoire du chômage et de l’assurance-chômage (AC) depuis le point de vue d’un groupe de défense des chômeur.euses, le MAC, de façon à souligner le 50e anniversaire de sa création.

1. La Maison du chômeur (1970-1971) : Lancée à l’initiative d’une seule personne pour contrer les effets du chômage en tablant sur l’autonomisation des chômeur.euses, la Maison du chômeur a fermé seulement un an après son ouverture.

2. Le Local populaire (1972-1974) : Avec des objectifs plus étendus, notamment d’éducation populaire, de revendication et d’aide individuelle (entre autres en matière d’AC), le Local populaire a pris la relève en 1972. Les auteur.es présentent quelques actions revendicatrices organisées par le Local en matière d’AC, parfois avec l’appui de fonctionnaires. Les membres du Local se sont séparé.es en 1974 et les membres travaillant aux enjeux liés à l’AC se sont alors associé.es avec le Conseil central de Montréal de la CSN (CCSNM) pour fonder le MAC.

3. Le MAC et les réformes de Trudeau père (1974-1979) : La fondation du MAC n’a créé aucune brisure dans les actions et types d’actions de ses militant.es. Au cours de ces cinq années, le MAC a contesté trois séries de changements à la loi et a aussi pris ses distances avec le CCSNM, pour bientôt s’en séparer complètement, alors que les insatisfait.es de cette décision ont créé un nouvel organisme plus près de la CSN (je simplifie).

4. Le calme avant la tempête (1980-1987) : Peut-être en raison de la dure récession au début de cette décennie, le gouvernement n’a pas tenté de nouvelle attaque contre l’AC jusqu’en 1986. Le MAC a pu dans ce contexte se consacrer davantage à des activités d’éducation populaire, de représentation individuelle et parfois collective, comme sur les délais de traitement, et de revendications, comme sur le développement d’une politique de l’emploi, notamment par sa participation à la Grande marche pour l’emploi organisée par la CSN en 1983. Avec l’élection du gouvernement conservateur en 1984, les attaques contre l’AC ont repris, visant en 1986 les personnes préretraitées et retraitées, puis l’ensemble des chômeur.euses lors de la Commission Forget (1985-1986), mais dont les recommandations n’ont pas été appliquées. À la suite de désaccords, les employé.es permanent.es ont quitté le MAC pour se joindre à d’autres regroupements de chômeur.euses et même en créer un autre.

5. Le hachoir à viande (1988-1993) : La nouvelle équipe du MAC a revu ses activités et a poursuivi son travail d’éducation populaire, de revendications et de représentation. Les attaques contre l’AC se sont poursuivies, avec un durcissement en 1990 à de nombreux aspects de la loi. Par contre, la Cour d’appel fédérale a jugé inconstitutionnelle l’exclusion des personnes âgées de 65 ans et plus adoptée en 1986, et le gouvernement a fini par adapter la loi à cette décision qui a été confirmée en 1991 par la Cour suprême. Cela dit, le gouvernement conservateur a durci encore plus la loi en 1993.

6. Les vautours (1994-2001) : Malgré les dénonciations de ces durcissements du parti libéral dans l’opposition, celui-ci a empiré encore plus la loi à son retour au pouvoir en 1993, tout d’abord en 1994, puis en 1996 avec le changement de nom du programme (assurance-emploi ou AE) et surtout avec l’imposition de critères d’admissibilité plus sévères, et avec des baisses du montant et de la durée des prestations. C’est aussi à cette époque que le gouvernement s’est servi des surplus de la caisse de l’AE pour diminuer la dette du gouvernement fédéral. Il a ainsi détourné 57 milliards $ à cette fin de 1996 à 2008.

7. Morne plaine (2002-2011) : Plusieurs groupes de défense des chômeur.euses du Québec se sont regroupés en 1999 dans le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), ce qui a permis l’organisation d’activités de revendication coordonnées sur des changements profonds à l’AE et sur d’autres enjeux sociaux liés aux inégalités et à la pauvreté. Étrangement, les auteur.es n’ont pas abordé le départ du MASSE de groupes de défense en 2005, départ mentionné dans la version de Pierre Céré de l’histoire de l’AC parue en 2021 (voir ce billet), mais sans vraiment aborder les raisons de cette séparation. Cela semble une question qu’aucun des deux groupes ne veut évoquer sur la place publique.

8. Le saccage de Harper (2012-2014) : Le gouvernement continue le saccage de l’AC (ou AE) avec en 2012 une série de changements parmi les plus durs pour les chômeur.euses, notamment en élargissant considérablement le type d’emploi que les prestataires sont obligé.es d’accepter sans perdre leurs prestations et en alourdissant le processus de contestation des décisions des fonctionnaires. Une vaste mobilisation contre ces changements a fortement contribué à l’abandon des nouvelles mesures sur les emplois dits convenables en 2015 par le gouvernement Trudeau. Si le processus de contestation des décisions des fonctionnaires s’est amélioré depuis ce temps, il demeure encore bien plus lourd que l’ancien. À la même époque, le gouvernement du Québec sous le PQ a demandé le rapatriement du régime d’AE, mais sans proposer de modifications importantes, sinon la promesse de nouvelles «économies». Dans ce contexte, le MAC et le MASSE se sont opposés à ce rapatriement, alors que le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) l’a appuyé (et a même initié cette demande, selon Pierre Céré).

9. Le rafistolage de l’assurance-chômage (2015-2020) : En plus d’avoir mis fin aux mesures conservatrices sur les emplois convenables, les libéraux ont aussi apporté quelques autres petites améliorations à l’AE, mais sans modifier l’esprit des nombreux changements apportés au cours des décennies précédentes. Le MAC et le MASSE ont organisé en 2018 une campagne dénonçant le caractère discriminatoire des critères de l’AE envers les femmes et ont défendu devant les tribunaux des causes types en plaidant l’inconstitutionnalité de ces critères. Ils ont obtenu quelques victoires en 2020, mais ces décisions ont été portées en appel par le gouvernement qui s’était pourtant engagé à corriger les mesures discriminatoires de cette loi.

10. La pandémie (2020-2022) : La création de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) a montré éloquemment les lacunes à l’AE. Le MAC a aussi revendiqué et obtenu des améliorations à ce programme, notamment pour les employé.es à temps partiel. Il a aussi contré les arguments du patronat et du gouvernement Legault qui accusaient la PCU d’être un désincitatif au travail. À la fin de ce programme, le MAC a aussi dû intervenir pour traiter des cas de personnes dont le passage de la PCU à l’AE a créé de gros problèmes, notamment chez les personnes âgées, les étudiant.es et les victimes de fraudes liées au vol d’identité. Le gouvernement ayant annoncé une réforme majeure à l’AE en 2020, le MAC et le MASSE attendent toujours sa concrétisation, tout en multipliant les interventions à ce sujet. Sur l’admissibilité des travailleur.euses autonomes, notamment des travailleur,euses à la demande, ils prônent plutôt la révision du statut de ces personnes, qui correspond bien plus au salariat (j’ai fait la même suggestion) qu’au travail autonome.

Conclusion – Se battre contre la pauvreté… encore et toujours : C’est grâce à sa connaissance des programmes et surtout des réalités vécues par les chômeur.euses depuis 50 ans que la MAC est en mesure de souligner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas avec l’AE (ou l’AC), et de proposer des améliorations pertinentes à ce programme. La croissance du taux de postes vacants a en outre modifié le rapport de force entre les travailleur.euses (dont les chômeur.euses) et les employeurs. Il n’est toutefois pas clair que cela suffira à changer en profondeur la dynamique du marché du travail, comme les plaintes injustifiées du patronat sur la PCU l’ont bien montré. Le sort réservé à la main-d’œuvre immigrante est un autre exemple de la résistance de bien des employeurs à cette nouvelle situation. Chose certaine, cette situation rend une réforme de l’AE encore plus nécessaire et urgente. Les auteur.es concluent en espérant que ce livre a su contribuer à la réflexion sur ce programme et même sur le filet social canadien, et qu’il contribuera à appuyer les prochaines luttes contre la pauvreté et pour les droits de la personne.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! Ce livre complète bien celui de Pierre Céré que j’ai mentionné dans ce billet. Personnellement, même si j’avais bien aimé l’autre, j’ai préféré celui-ci, car mieux structuré et plus facile à suivre. Cela dit, la lecture de ces deux livres est essentielle si on s’intéresse à l’évolution du programme d’AC (ou d’AE), et si on veut bien comprendre la logique néolibérale des changements qui lui ont été apportés, l’affaiblissant coup après coup. Autre bon point, les 293 notes, surtout des références, mais aussi quelques compléments d’information, sont en bas de page.

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