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La loi 101 au cégep

19 avril 2011

Par Darwin – Alea jacta est, les délégués du Parti québécois au congrès de la fin de semaine dernière ont adopté une résolution visant à ce que la Loi 101 s’applique au cégep. Si cette résolution était mise en application, cela signifierait que seules les personnes dont les membres de leur famille ont déjà fréquenté une école anglaise au Canada auraient le droit de fréquenter un cégep anglophone.

Mon intention est ici de revoir ce qui a ramené cette idée dans les débats récemment, à analyser l’impact qu’aurait cet ajout à la Loi 101 sur l’objectif poursuivi et à voir si le problème n’est pas ailleurs.

Origine

Cela fait bien longtemps que ce projet est discuté dans les milieux nationalistes et indépendantistes. Jusqu’à maintenant, le PQ et ses leaders l’avaient toujours rejeté.

Mais, plus récemment, même ceux qui s’y opposaient, comme Bernard Landry, se sont mis à appuyer l’application de la Loi 101 au cégep. Si les données du dernier recensement, pourtant sujettes à interprétation, ont fait ressurgir cette idée, c’est vraiment la sortie de l’Enquête sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial (ECLEC) en septembre dernier par l’Institut de recherche sur le français en Amérique qui a remis ce projet en selle.

L’ECLEC

L’ECLEC portait sur un échantillon de quelque 3200 collégiens provenant de cégeps de l’Île de Montréal, soit 1736 étudiants dans des cégeps français et 1494 dans des cégeps anglais.

Les résultats les plus utilisés par les promoteurs de l’application de la Loi 101 au cégep furent que seulement 40 % des étudiants allophones et 64 % des francophones fréquentant les cégeps anglais utilisent surtout le français dans les commerces, et que seulement 37 % des étudiants allophones et 60 % des francophones fréquentant ces cégeps qui travaillent en même temps utilisent davantage le français dans leur milieu de travail.

L’étude montre aussi que moins de 5 % des allophones fréquentant les cégeps anglais parlait français à la maison, par rapport à 35 % chez les allophones fréquentant les cégeps français. De même, seulement 73 % des francophones fréquentant les cégeps anglais parlaient français à la maison par rapport à 99 % des francophones fréquentant les cégeps français. On peut se demander si les 27 % de francophones qui ne parlaient pas français à la maison étaient vraiment francophones! Bon, ils ont déclaré être de langue maternelle française…

Explorant davantage cette donnée, l’étude nous montre que seulement 2 % des allophones fréquentant les cégeps français parlait anglais à la maison par rapport à 39 % chez les allophones fréquentant les cégeps anglais. L’étude présente aussi des données sur la langue des amis et des émissions de télé et films regardés, mais, bon, les résultats sont de la même eau.

Reconnaissant qu’il est plus probable que ce ne soit pas ces deux ans de cégep en anglais qui sont la cause du fait que les allophones fréquentant les cégeps anglais utilisent surtout l’anglais à la maison, dans leurs loisirs et à leur travail (en fait, comme l’étude porte sur des étudiants qui fréquentent le cégep, certains des interrogés ne devaient fréquenter un cégep anglais que depuis quelques semaines ou quelques mois…), mais plutôt l’inverse (c’est le fait qu’ils utilisent davantage l’anglais à la maison, dans leurs loisirs et à leur travail qui est la cause qu’ils choisissent un cégep anglais), les auteurs n’en arrivent pas moins à la conclusion que «la fréquentation du cégep anglais apparaît soit carrément anglicisante, c’est-à-dire qu’elle favorise le transfert de comportements linguistiques du français vers l’anglais, ou bien elle vient simplement cristalliser l’anglicisation déjà amorcée». Cela entre tout à fait en contradiction avec ce qu’ils venaient de dire auparavant, mais bon, c’est ce bout que les nationalistes ont retenu pour démontrer qu’il en va de la survie du français au Québec d’appliquer la Loi 101 au cégep.

Est-ce que les auteurs de cette étude pensent vraiment qu’en obligeant ces personnes à fréquenter des cégeps français, cela ferait en sorte que ceux qui parlent anglais à la maison se mettraient tout d’un coup à y parler français, même si 11 ans de fréquentation d’écoles françaises au primaire et au secondaire n’ont pas eu cet effet? Ça, ils n’en disent rien…

L’avis du Conseil supérieur de la langue française

Cet avis, paru au début de ce mois, fut comme une douche d’eau froide pour les promoteurs de l’application de la Loi 101 au cégep. D’une part, le Conseil se prononce clairement contre l’application de la loi 101 au niveau collégial. D’autre part, il démonte un des principaux arguments des promoteurs de cette application en montrant que le pourcentage d’allophones fréquentant les cégeps français est en constante hausse depuis 1998 et que cette hausse s’est accélérée récemment (voir le graphique 1 à la page 5). En effet, ce pourcentage est passé de 43,8 % à environ 55 % en 2007, puis à plus de 64 % en 2009!

Pourtant, un des principaux arguments des promoteurs de l’application de la Loi 101 au cégep est que, si on ne fait rien, les choses iront en s’empirant. Or, non seulement la situation ne s’empire pas, mais elle s’améliore, et elle s’améliore de plus en plus!

Avec une telle information, on aurait pu penser que certains des partisans de l’application de la Loi 101 au cégep changeraient leur fusil d’épaule. Mais, tout comme les auteurs de l’étude se sont contredit dans leur conclusion, ces faits qui vont à l’encontre de leur argumentation n’ont pas ébranlé la position de la plupart des partisans de l’application de la Loi 101 au cégep.

Et alors…

Si on pouvait me démontrer un tant soit peu que l’application de la Loi 101 au cégep est importante, même pas essentielle, à la survie ou même à l’avancée du français au Québec, je n’hésiterais bien sûr pas à l’appuyer. Par contre, en matière de réglementation et encore plus lorsqu’on veut restreindre les libertés des citoyens, je considère que le fardeau de la preuve repose sur ceux qui veulent imposer des restrictions aux droits des autres. Or, ici, preuves il n’y a pas.

Pourquoi l’anglais est si attirant au Québec? Parce qu’il est encore trop essentiel dans les milieux de travail, pas parce que des jeunes font deux ou trois ans de cégep en anglais! Si tant de francophones (5 %…) et d’allophones (36 %) vont au cégep anglais, c’est parce qu’il veulent bien connaître cette langue pour mieux réussir sur le marché du travail. On pourrait critiquer cette attitude mercantiliste des heures que cela n’y changerait rien.

Il n’y aurait rien de pire que de se contenter d’adopter cette mesure en pensant que cela réglerait un problème. En fait, elle s’attaque à un symptôme, pas aux sources du problème. Bien d’autres moyens pourraient être mis en œuvre pour véritablement améliorer la situation. On pourrait et devrait par exemple rehausser encore la proportion d’immigrants qui parlent français et s’assurer par des tests qu’ils le parlent et le maîtrisent vraiment. Ainsi, la proportion et surtout le nombre d’allophones qui parlent anglais à la maison, première cause de la fréquentation des cégeps anglais, diminuerait considérablement.

L’autre et même la principale mesure à adopter serait de diminuer l’attrait de l’anglais dans nos milieux de travail. Pour ce, il faut renforcer les règles de la Loi 101 qui s’adressent aux entreprises, ce que le PQ compte faire, me dira-t-on, ayant adopté une résolution pour que la Loi 101 s’applique aux entreprises de 11 à 49 employés. Fort bien. Mais, c’est une chose d’adopter une résolution et même une loi, mais c’en est une autre de la faire appliquer. Et ça, le PQ, qui a été au pouvoir de nombreuses années, a eu amplement l’occasion de le faire, mais ne l’a jamais fait.

En effet, le pourcentage d’entreprises certifiées (voir la page numértée 51) est passé de 78,2 % en 1995 (ce taux était à 77,1 % l’année précédente sous un gouvernement libéral…), à 69,9 % en 2000, après cinq années consécutives de gouvernements péquistes ! Et là, on parle d’environ 5 000 entreprises. En 2008, le registre des entreprises comptabilisait 27 266 entreprises de 11 et 49 employés (voir page 11), plus de cinq fois plus que les 5 000 entreprises de plus de 49 employés dont seulement 70 % étaient certifiées en 2000, 23 ans après l’adoption de la Loi 101! Ironie suprême, c’est avec l’arrivée de Jean Charest au pouvoir en 2003 que ce taux a le plus augmenté en un an, passant de 72,8 % en 2003 à 76,0 % en 2004 ! Et aujourd’hui que la priorité du PQ est de «créer de la richesse», peut-on vraiment croire qu’il serait plus porté qu’auparavant à faire appliquer la loi?

C’est tellement plus simple de se péter les bretelles en pensant avoir sauvé le sort de la nation avec en adoptant une loi qui toucherait en premier lieu des allophones…

28 commentaires leave one →
  1. 19 avril 2011 17 h 02 min

    Tout ça ne serait pas nécessaire si le Québec se séparait!

    Mais évidemment, les séparatistes de Québec Solidaire pactisent avec des fédéralistes pro-Loi sur la clarté référendaire:

    Clarté (sic) référendaire: la position dure et anti-indépendantiste du NPD décrite par Lisée

    N’importe quoi!

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  2. 19 avril 2011 17 h 04 min

    « Pour ce, il faut renforcer les règles de la Loi 101 qui s’adressent aux entreprises, ce que le PQ compte faire, me dira-t-on, ayant adopté une résolution pour que la Loi 101 s’applique aux entreprises de 11 à 49 employés. Fort bien.  »

    Québec Solidaire est-il pour ou contre cette mesure?

    Parce que le NPD est contre, en passant!

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  3. 19 avril 2011 17 h 10 min

    Je suis contre la loi 101 dans les entreprises et dans l’affichage. Cette mesure fasciste doit être abolie du discours séparatiste une fois pour toutes! Boycottons les entreprises colonisées qui affichent en anglais et qui forcent leurs travailleurs à parler en anglais et réalisons la séparation du Québec, plutôt!

    En ce qui concerne la loi 101 dans le système scolaire, je suis ambivalent: je suis contre le financement étatique des études anglophones…mais je suis aussi contre toutes les écoles obligatoires et étatiques, même en français.

    Bref, adopter une loi 101 dans les cégeps ne me fera pas grimper dans les rideaux. Ce sont toutes les écoles à la solde de l’État qu’il faut abolir, pas seulement cesser le financement des écoles anglophones!

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  4. 19 avril 2011 17 h 13 min

    Non, oubliez mon délire, ça n’a pas directement rapport ici. Mais est-ce que Québec Solidaire est en faveur de la loi 101 dans les entreprises à juridiction fédérale?

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  5. 19 avril 2011 17 h 24 min

    @ David Gendron

    «Québec Solidaire est-il pour ou contre cette mesure?»

    «(6. 1. 2) Abaisser de 50 à 25 employé-es le seuil à partir duquel s’applique le chapitre de la Charte de la langue française portant sur la langue de travail.»

    http://www.quebecsolidaire.net/engagements_2008#Culture_quebecoise

    Il s’agit d’un extrait des engagements de 2008 (plateforme). De mémoire, la position officielle n’a pas encore été adoptée en congrès.

    «Mais est-ce que Québec Solidaire est en faveur de la loi 101 dans les entreprises à juridiction fédérale?»

    Un gouvernement QS n’aurait aucun pouvoir là-dessus, cela ne peut donc pas être un engagement, ni dans une plateforme, ni dans le programme. QS est pour l’indépendance et avec l’indépendance, la Loi 101 s’appliquerait automatiquement à ces entreprises.

    «ça n’a pas directement rapport ici»

    En effet !

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  6. 19 avril 2011 17 h 39 min

    Désolé pour ce délire.

    Et que pense QS de la politique constitutionnelle rétrograde du NPD?

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  7. the Ubbergeek permalink
    19 avril 2011 17 h 48 min

    Le NPD et QS, c,est un peu deux gauches – le NPD est des fois gauches traditionelle et canuck, QS appartient à une gauche un peu réformée.

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  8. the Ubbergeek permalink
    19 avril 2011 17 h 50 min

    SVP, lâcher ce Godwinage anarchiste, y’a rine de faschiste là-dedans…

    le VRAI faschisme serait l’interdiction d’enseignement en englais PARTOUT, tout niveau, point, et démolir les organismes de défence des droits linguistiques, et une VRAIE police de la langue comme phantasme Galganov et cie.

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  9. the Ubbergeek permalink
    19 avril 2011 17 h 51 min

    QS solidaire est souverainiste et défend le peuple québecois, mais aussi un nationalisme civique. Alors…

    C’est la réponse.

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  10. 19 avril 2011 17 h 54 min

    @ David

    «Et que pense QS de la politique constitutionnelle rétrograde du NPD?»

    Je ne suis pas son porte-parole ! Et QS n’a pas de position là-dessus. Pour les élections fédérales, la position est de voter pour des candidats progressistes et surtout pas pour le PCC !

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  11. 19 avril 2011 18 h 09 min

    Ok, vous êtes aussi contre les CONservateurs. Alors comment le fait diviser le vote de gauche entre le Bloc et le NPD peut-il permettre d’en arriver à ce but?

    Et en quoi Thomas Mulcair, ce pro-Bou-Bou Macoutes pro-privatisations et pro-augmentation des frais de scolarité, est-il « progressiste »?

    (bon, ceci dit, j’espère tout de même que Mulcair battra Cauchon)

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  12. 19 avril 2011 18 h 12 min

    De prétendre que l’anglais doit avoir un statut inférieur au français dans l’affichage et les milieux de travail est une forme de fascisme…soft, mais fasciste quand même.

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  13. 19 avril 2011 18 h 12 min

    « QS solidaire est souverainiste et défend le peuple québecois, mais aussi un nationalisme civique. Alors…

    C’est la réponse. »

    Ce qui entre totalement en contradiction avec ce que le NPD prône!

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  14. the Ubbergeek permalink
    19 avril 2011 20 h 36 min

    @David

    Vous ne savez pas ce qu’est le fascisme, un mot bradé à toutes les sauces, de gauche comme anarchiste et libertarienne, pour ‘blaster’ n’importe quoi de vagument punitif-sérieux des fois..
    Le mot est cependant associé une idéologie précise et détailé, et bien plus hardcore que cà.

    SVP, épargne-nous ce Godwin…

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  15. koval permalink*
    20 avril 2011 0 h 17 min

    Bonne analyse

    J’ai lu ce rapport absolument non convaincant, comme tu dis, ils disent qu’ils ne peuvent conclure, mais le font tout de même..

    « Cette analyse comprend certaines limites dont il est nécessaire de faire état. Tout d’abord, on ne peut déterminer à l’aide d’une simple analyse descriptive si la fréquentation d’un cégep est la cause ou la conséquence de l’adoption des comportements linguistiques observés par l’ECLEC. »

    Ici en plus on voit l’amateurisme, Ce n’est pas la nature descriptive des stats qui fait qu’on ne peut conclure, mais bien le dispositif transversal…m’enfin….

    Ce bout est étrange aussi, on n’a pas mesuré d’où provenaient ces étudiants on dirait, secondaire en français ou anglais?

    « Par exemple, quel rôle joue la scolarisation au sein de l’école secondaire dans les choix linguistiques au collégial ? Les allophones qui passent du secondaire français au cégep anglais sont-ils déjà francisés »

    Les péquistes vont perdre des électeurs avec ce projet, c’est trop de restrictions pour rien comme tu dis.

    Amir a chrissement plus raison….

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  16. 20 avril 2011 0 h 25 min

    @ Koval

    «Amir a chrissement plus raison….»

    J’étais tout à fait d’accord avec lui. D’ailleurs, ses arguments étaient à peu de choses près les mêmes que ceux que j’énonce ici. Bon, il n’a pas soulevé comme moi l’échec du PQ à faire appliquer la loi…

    Il a dû depuis préciser que cette opinion est la sienne, mais pas celle de QS, parce que ce sujet sera en débat lors du congrès de décembre prochain.

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  17. the Ubbergeek permalink
    20 avril 2011 1 h 31 min

    En débatre n’est pas nécessairement adopter…

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  18. Déréglé temporel permalink
    20 avril 2011 4 h 40 min

    « On peut se demander si les 27 % de francophones qui ne parlaient pas français à la maison étaient vraiment francophones! Bon, ils ont déclaré être de langue maternelle française… »

    Peut-être qu’ils proviennent de ménages bilingues. En parcourant rapidissimement le rapport, je n’ai pas vu de chiffres sur les origines bilingues.

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  19. 20 avril 2011 6 h 15 min

    @ Déréglé

    «Peut-être qu’ils proviennent de ménages bilingues»

    En fait, il manque beaucop d’information dans ce rapport. Tin hypothèse a du sens…

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  20. 20 avril 2011 6 h 16 min

    C’était le sens de mon commentaire, je ne comprends pas le vôtre.

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  21. koval permalink*
    20 avril 2011 7 h 19 min

    Coudonc David, tu serais-tu en train de nous inciter à vote pour le Bloc?

    Je ne sais pas trop pourquoi tu penses avoir trouvé un bon filon pour nous brasser avec ton NPD, les QS ne votent pas spécialement pour le NPD. J’imagine qu’ils votent plus Bloc étant donné qu’ils sont indépendantistes….

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  22. 20 avril 2011 7 h 27 min

    @ Koval

    «J’imagine qu’ils votent plus Bloc étant donné qu’ils sont indépendantistes….»

    Il y en a quand même beaucoup qui voteront pour le NPD…

    Mais, il s’agit ici d’un détournement de billet pour faire la promotion du sien…

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  23. 24 avril 2011 17 h 24 min

    La FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) dit non à l’implantation de la loi 101 dans les cégeps

    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/04/24/001-fecq-loi-101-reseau-collegial.shtml

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